Dans sa Une du 11 septembre, consacrée au séisme qui a frappé le Maroc, le journal français Libération a choisi la photo de Touria Sarka pour illustrer le drame, accompagnée d’une manchette où figure entre guillemets la citation: «Aidez-nous, nous mourrons en silence». Cette photo, associée à ce titre, laisse à penser que c’est Touria elle-même qui a prononcé cette phrase. Or, il n’en est rien.
Car une vidéo filmée de cette même femme, au moment de la prise du cliché, a démontré que Touria Sarak criait en réalité «Vive le Roi! Vive Sidna!».
Une affaire très suivie côté marocain
Face à la polémique déclenchée au Maroc par cette Une mensongère, un appel a été lancé sur les réseaux sociaux afin de retrouver Touria Sarka et la tenir informée non seulement de la diffusion de son image, mais aussi de la manière dont celle-ci a été exploitée. Interviewée par plusieurs médias locaux, afin de recueillir son témoignage, celle-ci s’est dite outrée par l’exploitation de son image sans son consentement, mais aussi, et surtout, par les propos qui lui ont été attribués à tort.
Aujourd’hui, son appel à une aide judiciaire pour faire valoir ses droits a été entendu et deux avocats se sont saisis de l’affaire. Il s’agit, côté marocain, de Me Mourad Elajouti, avocat au barreau de Casablanca, et côté français, de Me Robin Binsard, du cabinet Binsard Martine Associés à Paris.
Dans un communiqué publié le 20 septembre, les deux avocats ont annoncé que leur cliente engageait une procédure contre le journal Libération. «Le journal Libération, certainement mû par un objectif sensationnaliste, n’a pas craint d’imputer à notre mandante des propos qu’elle n’a jamais prononcés, ce qui constitue le délit de montage illicite, au sens de l’article 226-8 du Code pénal, outre l’atteinte à la vie privée que caractérise déjà la diffusion de cette photographie sans l’accord de la principale intéressée», annonce-t-on dans le communiqué.
Les deux avocats qui représentent la défense de Touria Sarka estiment par ailleurs que «ce photomontage est d’autant plus pernicieux qu’il s’inscrit dans un contexte particulier, à la suite de la décision prise par le Royaume du Maroc de refuser l’aide de la France, suggérant ainsi que Mme Touria Sarka serait en désaccord avec les autorités de son pays».
«Déshonorée et injustement instrumentalisée»
La plaignante s’estime aujourd’hui «déshonorée, et injustement instrumentalisée par Libération», poursuit-on, en indiquant de fait avoir «mis en demeure ce journal de supprimer ce photomontage de son site Internet, et de publier des excuses au bénéfice de Mme Touria Sarka». Sans réponse jugée «satisfaisante», concluent les avocats, «une plainte sera déposée entre les mains du Procureur de la République de Paris». Me Binsard explique ainsi pour Le360 que «ce n’est pas le lucre qui guide Mme Sarka mais l’envie de restaurer son honneur, injustement sali par libération».
Sur son compte X (anciennement Twitter), Me Mourad Elajouti ajoute que cette infraction est «passible d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende».
La genèse du détournement d’un cliché de sa vérité
La légende de cette photo prise par Fadel Senna, photo reporter de l’AFP au Maroc, ne mentionnait pas dans sa légende initiale les propos utilisés par la Une de Libération, mais indiquait «Une femme réagit à la destruction de sa maison par le tremblement de terre, dans le centre-ville de Marrakech le 9 septembre 2023. Un puissant séisme qui a secoué le Maroc tard le 8 septembre a tué plus de 600 personnes, a indiqué le ministère de l’Intérieur, amenant des habitants terrifiés à fuir leurs maisons au milieu de la nuit».
Cette légende, Libération a donc décidé d’en faire abstraction dans sa quête de sensationnalisme, quitte à faire quelques arrangements avec la vérité. Mais la vidéo où apparaît Touria Sarka au moment de la prise du cliché a poussé l’hebdomadaire à s’expliquer. Chose faite, le 20 septembre, de manière aussi malhonnête que pathétique, dans la rubrique Check News de son propre site, comme le relayait Le360 dans un précédent article.
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En effet, Libération a choisi d’imputer en premier lieu la responsabilité de cette polémique à l’AFP et à son photographe Fadel Senna, ceux-ci n’ayant pas indiqué que Touria Sarak criait «Vive le Roi!», en légende de la photo, argue le quotidien. Et d’expliquer ensuite que cette phrase, qui figure en manchette de la Une, est en réalité extraite d’un enregistrement audio relayé dans une «boucle WhatsApp», utilisé, sans autre vérification, en guise de témoignage recueilli sur place, dans un reportage soi-disant réalisé sur le terrain au lendemain du séisme.
Selon cet enregistrement, cité par la rubrique Check news du quotidien français, les propos auraient été tenus par «une voix berbère dépitée» (sic), qui ne serait pas celle d’une victime du séisme, mais d’une personne non identifiée déclarant: «Qu’Allah vous-en récompense, aidez-nous! Nos familles meurent en silence sans que nous puissions les atteindre. Je vous en conjure, partagez ce message. On manque de tout».
Un enregistrement audio que Libération n’a d’ailleurs pas jugé utile de partager, et qui a donc été résumé à ce gros titre racoleur et mensonger: «Aidez-nous, nous mourrons en silence».