Le désaveu est aussi formel que sans appel. Ce jeudi 11 mai, le Parlement européen a voté, à l’écrasante majorité et par un très large nombre de voix, une résolution condamnant la répression par le régime algérien des rares voix encore libres dans ce pays. La «résolution commune sur la liberté des médias et la liberté d’expression en Algérie, le cas du journaliste Ihsane El-Kadi» a ainsi été adoptée par pas moins de 536 voix pour, 4 voix contre et 18 abstentions. Une claque des plus cinglantes contre un «système» qui ne cesse de clamer qu’il «défend» la presse. Nous sommes loin, très loin, de la résolution ourdie par la Macronie contre le Maroc le jeudi 19 janvier, quand 356 députés européens ont voté une résolution portant sur la situation des journalistes marocains, notamment le cas d’Omar Radi.
Pour l’Algérie, il s’agit de la quatrième résolution du genre, après celle du 28 novembre 2019 sur la situation des libertés en Algérie, celle du 26 novembre 2020 sur la détérioration de la situation des droits de l’homme en Algérie, en particulier le cas du journaliste Khaled Drareni, et celle du 3 mai 2022 sur la persécution des minorités fondée sur les convictions ou la religion.
La résolution de ce jeudi appelle notamment à la libération immédiate et inconditionnelle d’Ihsane El-Kadi et de toutes les personnes détenues et inculpées arbitrairement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression. Elle engage les autorités algériennes à respecter et à promouvoir les libertés fondamentales, en particulier la liberté des médias, consacrée par l’article 54 de la Constitution algérienne, à autoriser de nouveau les médias qu’elles ont interdits et à mettre un terme aux arrestations et aux détentions d’activistes politiques, de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme et de syndicalistes. Elle témoigne par ailleurs sa solidarité aux citoyens algériens qui manifestent pacifiquement depuis 2019.
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Le texte adopté donne suite au verrouillage médiatique et le musèlement des voix dissidentes, imposés par le régime algérien et qui se sont traduits par la dissolution, notamment, de l’ONG Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) et de l’association Rassemblement actions jeunesse (RAJ), en plus de la fermeture des médias Radio M et Maghreb Emergent, l’interdiction de quitter le territoire imposée au journaliste Khaled Drareni depuis 2020, ou encore l’emprisonnement de journalistes, dont Ihsane El Kadi et Mustapha Bendjama.
La résolution s’inscrit surtout en faux et aux antipodes du discours d’un chef de l’Etat algérien qui multiple les appels du pied aux médias du voisin de l’est. C’était le cas notamment à l’occasion de la Journée internationale de la liberté de la presse, célébrée le 3 mai à Alger, où il s’est affiché aux côtés de plusieurs journalistes, dont Khaled Drareni, correspondant de Reporters sans frontières en Afrique du Nord. Quelques jours plus tard, soit le samedi 6 mai, le président algérien a poussé le ridicule un peu plus loin lors de sa rencontre périodique avec des représentants de la presse algérienne, en recevant non pas un, ou deux, ou trois, mais 20 journalistes. Histoire de donner l’impression, sans tromper personne, de proximité entre le pouvoir et les médias.
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L’illusion n’a pas fonctionné puisque les allégations mensongères d’Abdelmadjid Tebboune, qui a affirmé à maintes reprises «l’inexistence de détenus politiques ou d’opinion en Algérie», sont battues en brèche. Ce qui y est établi, c’est que l’Algérie piétine allègrement les droits fondamentaux, pourtant ratifiés par le pays, notamment la déclaration universelle des droits de l’Homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
On retiendra que les tentatives de certaines parties visant à ménager l’Algérie en évoquant la situation au Maghreb ont été un échec. Tout comme la proposition du groupe de la Gauche unitaire européenne (52 parlementaires européens alignés sur les thèses séparatistes) visant à remercier l’Algérie pour son soutien au Polisario a été rejetée. Une preuve, s’il en faut, que les groupes politiques au PE ne sont pas dupes du jeu malsain de l’Algérie et de ses relais au sein de cette institution. Reste à celle-ci de passer à l’action en considérant sérieusement l’utilisation des mécanismes de sanction prévus par la Commission européenne, notamment la suspension de l’accord d’association UE-Algérie dont la junte se joue par ailleurs dans sa guerre contre l’Espagne depuis que le Royaume voisin à reconsidéré sa position dans le dossier du Sahara, en soutenant fermement l’option d’autonomie présentée par le Maroc.