Ni le propos ni la légèreté affichée sur un sujet essentiel, et donc sensible, pour plus de 1,5 milliard de musulmans dans le monde, ni le choix du moment, à la veille du mois sacré du ramadan, ne se prêtaient à une quelconque forme de tolérance. C’est ainsi que l’hebdomadaire Marianne, connu pour son ton sensationnaliste mais à la ligne éditoriale qui caresse les extrêmes, a vu son numéro du 29 février saisi au Maroc et sa diffusion interdite.
Il s’agit plus précisément du numéro 1.407 du magazine, selon une source autorisée contactée par Le360. Motif: une caricature du prophète Mohammed, dont certains titres français n’hésitent pas à dévoyer, voire salir, l’image avec comme fin assignée de réaliser quelques ventes de plus. Face à un tel manque d’égard, et de respect dû à l’islam, au même titre que toutes les religions monothéistes, le Maroc réagit donc.
Marianne n’en est pas à son coup d’essai en matière d’atteinte à l’islam et à son prophète. En 2011 déjà, l’hebdomadaire nous gratifiait d’un dossier de 40 pages sous le titre provocateur de «France-Europe. Pourquoi l’islam fait peur», où les clichés sur la religion l’ont âprement disputé à la stigmatisation. Avant, pendant comme après, Marianne n’a cessé de dérouler le tapis rouge à des «enquêtes» et, surtout, des chroniques clairement et ouvertement hostiles à l’islam et ses symboles. Les exemples sont nombreux et il suffit d’écrire «Marianne» et «islam» dans n’importe quel moteur de recherche pour s’en rendre compte.
L’islamophobie, puisque c’est uniquement de cela qu’il s’agit, est d’ailleurs (puisque c’est tellement facile) la seule trame qui ne change pas dans un journal qui, au fil des années, a changé sa ligne éditoriale du tout au tout, passant d’un magazine de gauche à la fin des années 1990, sous la direction de Jean-François Kahn et Maurice Szafran, à celui d’une France souverainiste souvent assimilée à l’extrême droite aujourd’hui en ayant (mal) navigué entre les deux et subi bien des turpitudes et des redressements.
Aujourd’hui propriété du milliardaire tchèque Daniel Křetínský, le magazine est dirigé par Natacha Polony, classée volontiers par ses confrères dans la catégorie «néo-conservateurs», voire «intello réac», qui en a fait «sa» chose. Au Maroc, elle est plus connue pour avoir été sèchement recadrée par le «très» marocain humoriste et acteur Gad Elmaleh, en plein aftermath du drame du séisme d’Al Haouz.
Pour le sociologue Philippe Corcuff, Marianne s’inscrit dans un groupe de médias qui stigmatisent les musulmans, dont Valeurs actuelles à l’extrême droite, ou FigaroVox pour la droite radicalisée. Celui-ci parle d’une «zemmourisation light» de Natacha Polony. C’est dire!
En 2022, les sociologues Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed classaient également Marianne dans la même rubrique que des titres comme Causeur ou Valeurs actuelles, qui «occupent des positions centrales dans la diffusion et la popularisation des thèses islamophobes, tout comme les chaînes d’information en continu LCI, CNews, ou BFM TV».
La formule ne semble plus faire recette pour autant. En février dernier, Marianne annonçait baisser son prix de vente ainsi que sa pagination à partir du printemps 2024. S’attaquer à l’islam entre-temps semble être un moyen de redresser la barre. Mais au Maroc, l’atteinte aux prophètes ne passe pas.