Dans un article publié sur son portail électronique sous le titre "Le jeu des accusations algérien trahit une crise politique profonde", la BBC relève que si le nom officiel de l’Etat algérien comporte les mots "démocratique" et "populaire", il n’est ni l'un, ni l'autre.
L’auteur de l’article fait ainsi un parallèle avec la République populaire démocratique de Corée, autrement appelée Corée du Nord, un Etat totalitaire, pour décrire la situation en Algérie.
"Si vous posez la question à n'importe lequel des milliers d’individus qui sont descendus dans la rue en Algérie depuis 2019, ils s'accorderont à dire que leur régime n'est ni démocratique, ni populaire", relève la publication londonienne.
"Ils diront que leur pays est dirigé par une escouade depuis des décennies, avec des militaires qui tiennent les rênes sous une couverture civile, tout en profitant de la manne pétrolière du pays pour s’en mettre plein les poches".
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Les manifestants s’accorderont également à dire que les élections parlementaires et présidentielles successives sont "un simulacre" visant à conférer une légitimité au régime en place, soutient l’auteur de l’article.
Autre signe révélateur de la "république démocratique populaire", estime la BBC, est qu’à chaque crise nationale, la première réaction du gouvernement est d'accuser les étrangers ou la "cinquième colonne".
C’est ainsi que face aux crises internes qui se succèdent dans le pays, le régime algérien a accusé "son voisin et vieux rival régional, le Maroc", d’avoir fomenté des troubles en Algérie, annonçant dans la foulée la rupture des relations diplomatiques avec Rabat, rappelle la même source.
La BBC note que les critiques ont rapidement fusé, estimant que "faire du Maroc et des groupes d'opposition nationaux des boucs-émissaires est une vieille tactique pour détourner l'attention de l'échec spectaculaire du régime dans la gestion des problèmes intérieurs tels que les feux de forêt, la pandémie de la Covid-19 et le chômage".
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Lorsque l'Algérie a été frappée le mois dernier par une vague d'incendies de forêt qui a dévasté des milliers d'hectares et tué au moins 90 personnes, la première réaction du gouvernement a été de pointer du doigt, sans la moindre preuve, "les pyromanes", tout en promettant de les traquer, relève la BBC.
Le régime n’a évoqué ni les changements climatiques, ni le fait que de tels incendies font rage dans l’ensemble du bassin méditerranéen, s’étonne l’auteur de l’article.
La réaction a été similaire lorsque sont apparus les détails déchirants du lynchage et de l’immolation du corps de Djamel Ben Ismail, 37 ans, qui s'était rendu dans la région de Kabylie pour aider ses compatriotes à éteindre les incendies, poursuit-il.
Largement diffusée sur les médias sociaux, les images de ce lynchage, qui dénotent de la sauvagerie des auteurs, ont embarrassé le gouvernement puisque les faits se sont produits sous l'œil attentif de la police, sans que celle-ci n’intervienne pour éviter le drame, précise le média anglais.
Le gouvernement a préféré prendre la défense des forces de l’ordre, affirmant qu'elles avaient été attaquées par une foule violente, qui avait enlevé la victime Ben Ismail d'un fourgon de police.
Des dizaines de personnes - environ 80 selon le dernier décompte – ont été interpellées par les autorités et accusées d’implication dans le crime, avant d’être exhibées à la télévision d'Etat menottées et de passer aux aveux. Des aveux "très commodes" pour le régime algérien, puisqu’ils impliquaient une organisation politique locale récemment classée par le régime comme étant un groupe terroriste.
Cette organisation, connue sous l'acronyme MAK, milite pour l'indépendance de la Kabylie, une région à prédominance berbère du nord de l'Algérie, qui a été la plus touchée par les incendies. La région est également le berceau du Hirak, mouvement dont les manifestations ont conduit à la fin du règne de deux décennies du président Abdelaziz Bouteflika en 2019.
Les manifestants du Hirak appellent, sous le slogan "Ils doivent tous démissionner", au démantèlement complet de l'ordre ancien, ajoute le média soulignant que "la colère des manifestants trouve son origine dans l'incapacité de l'Etat, depuis l’indépendance, à offrir une vie décente et des libertés politiques à ses citoyens".
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Autre fait typique de la "République populaire démocratique", c'est que le peuple fait rarement confiance aux versions relayées par les médias d'Etat, ajoute l’auteur, précisant qu’en conséquence, les spéculations n’ont pas cessé sur qui était réellement derrière l’immolation brutale de Ben Ismail.
Le mois dernier, alors que les infections au Covid-19 atteignaient des sommets, dans un contexte de grave pénurie d'oxygène, le gouvernement a donné des directives aux médias pour qu'ils minimisent les "mauvaises nouvelles", fait savoir la BBC, qualifiant cela de "manœuvre sorties du manuel des Etats totalitaires visant à rendre les médias responsables des échecs du régime".
Pourtant, la pandémie a donné au régime un répit inespéré face aux protestations du Hirak, offrant le prétexte parfait pour interdire les rassemblements et les manifestations. Mais après une courte accalmie, les manifestations ont repris dans les rues de Kherrata en Kabylie, ajoute la BBC.