Toutes les forces vives de la nation sont impliquées dans cet événement de grande importance, lequel débouchera sur la définition des principes directeurs d’une loi cadre de programmation fiscale pluriannuelle (cinq ans).
Deux défis se présentent devant les troisièmes assises de la fiscalité2019: le chômage des jeunes diplômés et l’aggravation des inégalités. "Les attentes sont certes énormes, mais le régime fiscal n’est qu’un instrument de politique économique pour affronter ces défis", nuance l’ancien ministre des Finances, Mohamed Berrada, qui n’est autre que le président de la commission scientifique préparatoire des Assises de la fiscalité.
Lire aussi : Fisc360, Ep1. Karim Tazi: «Mieux vaut soigner que subir l’informel»
Lors d’une rencontre informelle avec les représentants des médias spécialisés, co-animée avec Omar Faraj, directeur général des impôts, Berrada a planté le décor du contexte préalable à une nouvelle réforme du système fiscal national. Il est temps, dit-il, de s’atteler à améliorer la qualité de la croissance avec l’objectif d’assurer la souveraineté de l’Etat sur sa politique économique, sans dépendre des aléas climatiques.
«La politique fiscale doit être d’essence sociale», insiste de son côté le patron de l’administration fiscale, Omar Faraj. L’un des principes directeurs de la future réforme sera de lutter contre la rente et encourager surtout les investissements créateurs d’emplois permanents.
Les organisateurs des Assises ont veillé à éviter de mettre en avant des approches sectorielles, privilégiant plutôt l’idée d’une démarche globale faisant valoir une intelligence collective. «La nécessité de la réforme n’a pas été imposée par une institution politique. C’est la DGI qui a demandé à tenir les Assises. Nous voulons que cette réforme aille jusqu’au bout», poursuit Omar Faraj.
Difficile aujourd’hui de prédire la nature du futur régime fiscal. Les Assises seront l’occasion de se mettre à l’écoute de l’ensemble des acteurs concernés par la fiscalité. Mais l’on sait d’ores et déjà que l’on s’oriente vers des taux d'imposition moins élevés (le ratio de pression fiscale/PIB, soit 22%, est jugé élevé) et une assiette fiscale plus élargie.
Lire aussi : Fisc360, Ep5. Bachir Baddou: «la mobilisation de l’épargne longue passe par la carotte fiscale»
D'autres pistes de réflexion sont lancées, notamment:
- La TVA sera revue dans le sens de la neutralité, ce qui devrait en finir avec le problème des arriérés (butoir).
- La suppression de la taxation professionnelle. Celle-ci sera remplacée par un autre dispositif ne se basant pas sur la valeur locative.
- La fiscalité locale n’est pas des moindres. Un projet de solution sera soumis au débat lors des assises, en coordination avec la direction générale des collectivités locales.
- Pour remédier aux différences d’interprétation, tout l’arsenal fiscal sera regroupé au sein d’un Code commun général des impôts, intégrant également la taxe professionnelle et celles locales.
- Une révision du dispositif des incitations fiscales (exonérations, abattements, etc), ce qui va contribuer à l’élargissement de l'assiette fiscale.
- La cotisation minimale n’est pas en reste. L’idée d’une suppression progressive sur une durée de cinq ans sera discutée lors des Assises. L’objectif est de s’intéresser de plus en plus à la survie des entreprises au lieu de taxer injustement les entités véritablement déficitaires.
Lire aussi : Fisc360, Ep2. Fedwa Ahmar Legroun: «Il faut revoir le mode de calcul de la base imposable»
«C’est une réforme de longue haleine qui renvoie au principe de civisme fiscal lié à son tour au principe de la démocratie», souligne Mohamed Berrada. Ce n’est donc pas un hasard si les organisateurs ont choisi l'universitaire Rahma bourquia pour dresser une conclusion sociologique des travaux du rendez-vous de Skhirat.
Des cours de fiscalité dans les programmes scolaires, l’établissement d’un guide fiscal, une taxation forfaitaires pour les très petites entreprises, sont autant de pistes avancées par les organisateurs en vue d'incluquer aux contribuables le devoir de faire preuve de civisme fiscal.
De son côté, l’administration fiscale s’engage à mobiliser ses troupes pour accompagner la réussite de ce grand chantier national. «Moins de contrôle directe, plus de contrôle indirect», tel sera le credo de la DGI pour les années à venir, en faisant appel à de nouvelles méthodes sophistiquées (algorithmes, intelligence artificielle, Data mining, Big Data).Pour cela, un vaste mouvement de recrutement est annoncé dès l’année 2020, ciblant des profils très pointus (économistes, ingénieurs, etc). L’externalisation de certains métiers, notamment celui du recouvrement forcé, n’est pas exclue. Il est fort probable que cette fonction soit confiée aux huissiers de justice.