A la deuxième Chambre du parlement, la réaction du chef du gouvernement, ce mardi 21 janvier 2020, à une question du groupe du syndicat de la Confédération Démocratique du Travail (CDT), citant nommément l’affaire Bab Darna pour illustrer la présence du phénomène de la corruption dans le secteur de l’immobilier, a été pour le moins décevante.
«Je suis au regret de vous dire que c’est un dossier hors-la-loi, qui n’a aucun lien avec les responsables de l’Etat ou les autorités publiques. Il est actuellement entre les mains de la justice», a-t-il lancé en préambule.
«Des individus sont partis chez un notaire et ont acheté des biens immobiliers. En quoi cela nous concerne?», a ensuite martelé Saâd Eddine El Othmani.
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Le chef du gouvernement a -au moins- consenti à avouer que les transactions conclues par le groupe Bab Darna, dans le cadre de la commercialisation de ses nombreux projets à Casablanca et à Mohammedia, n’avaient pas respecté les dispositions de la loi 44-00, relative à la vente d’immeuble en l’état futur d’achèvement (VEFA).
La Vefa, a-t-il reconnu, ne s’applique que lorsque le promoteur immobilier prouve sa possession du terrain sur lequel le projet doit être bâti. Autre irrégularité qu'a concédé El Othmani devant les conseillers de la deuxième Chambre, le fait que les projets de Bab Darna n’étaient pas autorisés.
Le chef du gouvernement, qui affirme avoir profondément étudié le dossier, semble pourtant avoir une compréhension très approximative des rouages de cette affaire, qui a secoué ces dernières semaines le microcosme politico-économique.
Tout particulièrement quand il a osé la comparer, voire la réduire, à l’histoire d’un épicier qui a trompé ses clients en promettant de leur ramener un produit contre une avance de 20.000 dirhams. Sauf que dans le cas de l'affaire Bab Darna, il s’agit de plus 1.200 réservataires aujourd'hui lésés, qui réclament désormais la restitution, au total, de plus 400 millions de dirhams, et qui appellent le gouvernement, à travers ses différents départements impliqués (Intérieur, Habitat, Economie sociale, etc.) à assumer ses responsabilités.
Pour les victimes de Bab Darna, si l’arnaque du promoteur, Mohammed El Ouardi, a jusqu’ici réussi, c’est parce que les organes de contrôle étatiques ont failli à leur mission. Comment expliquer, autrement, le silence des communes et des préfectures face aux bureaux de ventes, aux palissades et aux multiples affiches publicitaires, installées un peu partout dans Casablanca, lors de la commercialisation des projets Bab Darna, si ces derniers n’étaient pas autorisés, comme l’a d'ailleurs si bien rappelé El Othmani?
Autre point: où étaient donc les brigades de contrôle du ministère de l’Habitat, censées superviser ces grands projets? Pourquoi le gouvernement a-t-il laissé passer sous silence des spots TV mensongers promettant monts et merveilles à des millions de téléspectateurs (comme celui-ci, qui promettait qu'à l'achat de deux appartements, le troisième était soi-disant gratuit)?
Saâd Eddine El Othmani qui s'est exprimé ce mardi 21 janvier pour la première fois sur cette affaire, a tout fait pour rejeter l'entière responsabilité de cette immense escroquerie sur les victimes elles-mêmes, et sur leur arnaqueur.
Contacté par Le360, un avocat des victimes a fait part de la déception de la communauté des réservataires des projets fictifs de Bab Darna, suite aux propos qu'a tenus le chef du gouvernement, ce mardi devant les conseillers de la deuxième Chambre du Parlement. Finalement, déplore-t-il, El Othmani aurait mieux fait de rester silencieux.