Un projet de décret constitue une véritable révolution pour le secteur des télécoms. Le 26 mai dernier, Abdelillah Benkirane et les autres membres du gouvernement ont en effet approuvé un texte relatif à la procédure suivie devant l’ANRT, gendarme des Télécoms, en matière de litiges, de pratiques anticoncurrentielles et d’opérations de concentration.
Hormis quelques réactions, dont celle de Abdelali Benamour, Président du Conseil de la concurrence, relayées par des confrères, et où il conteste à l’ANRT la prérogative de la concurrence dans le secteur des Télécoms, ce décret n’a pas eu les échos qu’il méritait. Les termes compliqués qui définissent le texte y sont peut-être pour quelque chose.
Or, à la simple lecture du texte, que Le360 a pu consulter, ou encore les informations rendues publiques sur le site du chef du gouvernement (le décret n’étant pas encore publié au bulletin officiel), on se rend rapidement compte que les opérateurs télécoms n’ont qu’à bien se tenir. Car dans les faits, ce décret donne, indirectement, à l’ANRT le pouvoir de prononcer des sanctions allant jusqu’à 10% du chiffre d’affaires de l’opérateur. Lorsque l’on sait que Maroc Telecom, par exemple, a réalisé en 2015 un chiffre d’affaires de plus de 34 milliards de DH, on se rend rapidement compte de l’ampleur que peuvent prendre les sanctions de l’ANRT.
Néanmoins, le decret en question ne vise pas directement à instaurer les sanctions. En effet, son objectif est de mettre en conformité le cadre juridique actuel avec la nouvelle loi (104-12) sur la liberté des prix et de la concurrence qui a été promulguée en 2014.
Cette dernière donne des pouvoirs décisionnaires aux organes en charge de veiller au respect de la concurrence, ce qui est le cas pour l’ANRT dans le secteur des télécommunications.
Le communiqué de la primature précise que le décret traite de questions se rapportant aux règles de procédure, mais aussi des décisions qui peuvent être prises par l’ANRT, ainsi que les procédures de recours. Le décret précise que l’ANRT examine si les pratiques dont elle est saisie constituent des violations des articles 6, 7 et 8 de la loi sur la concurrence 104-12. Le décret ajoute, et c’est là la grande nouveauté, que l’ANRT prononce, dans le cas où la situation l’exige, les mesures conservatoires, les astreintes et les obligations inscrites dans la loi 104-12.
Or, l’article 39 de cette loi est bien clair. Il donne le pouvoir de prononcer des sanctions pécuniaires qui peuvent atteindre 10% du chiffre d' affaire de l'opérateur contrevenant.
C’est de là que l’ANRT détiendra désormais son «grand pouvoir», car, faut-il le préciser, le régulateur se retrouvait parfois désarmé face aux trois opérateurs de la place. Il suffit de rappeler à cet égard les échanges musclés d’il y a quelques mois, entre l’ANRT et l’opérateur historique sur des sujets comme le dégroupage et le partage des infrastructures qui, malgré son importance stratégique pour le développement du secteur, n’a pas avancé comme il le fallait.
Il est donc fort à parier que, dès l’entrée en vigueur du nouveau texte avec sa publication au bulletin officiel, les choses devraient changer beaucoup plus rapidement.
Il restera alors à débloquer le projet de loi sur les Télécoms, qui a été approuvé en Conseil des ministres en janvier 2015 mais qui est toujours bloqué au parlement pour des raisons pour le moins ambiguës.