Rentrée scolaire 2025: le livre, maillon faible d’un marché sous tension

Les libraires en appellent au soutien de l'Etat

Des manuels scolaires. DR

Revue de presseÀ l’approche de la rentrée scolaire 2025, parents, libraires et éditeurs affrontent une nouvelle fois un marché du livre scolaire miné par les retards, les prix incohérents et l’absence de régulation claire. Entre tensions dans le public et dérives dans le privé, la préparation des classes illustre les failles structurelles d’un secteur pourtant stratégique. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Les Inspirations Eco.

Le 26/08/2025 à 20h45

À chaque fois, parents, libraires et éditeurs se retrouvent pris dans un cycle éprouvant fait de pénuries, de retards et de prix contestés. L’année 2025 ne fait pas exception. Entre manuels introuvables, distribution chaotique et flambée des tarifs, la préparation des classes vire une fois de plus au casse-tête. «Ces tensions révèlent les fragilités structurelles d’un marché du livre scolaire marocain en quête de régulation et de transparence», écrit le quotidien Les Inspirations dans son édition du 27 août.

Au cœur des critiques, figurent les manuels destinés aux écoles dites «pionnières». Conçus pour élever le niveau pédagogique, ces ouvrages ont remplacé les anciens fascicules de quelques pages. Mais les tarifs fixés par l’État posent problème. «Le manuel de français est proposé à 4 dirhams, soit moins qu’un simple cahier de 50 pages vendu 5 dirhams», dénonce Hassan El Kamoun, vice-président de l’Association des libraires indépendants du Maroc (ALIM), cité par le quotidien. À ce prix, l’impression se fait à perte, ne couvrant même pas le coût du papier.

Pour les imprimeurs, cette phase reste néanmoins une étape nécessaire. «Les premières années sont toujours difficiles. C’est à nous de trouver des alternatives pour limiter les pertes et rétablir l’équilibre dans les prochaines années», relativise Tariq Allouch, du Groupement des métiers de l’impression, également cité par Les Inspirations Eco. Selon lui, cette politique pourrait consolider une industrie locale, après des décennies où 80% des impressions scolaires étaient sous-traitées à l’étranger.

Les difficultés ne s’arrêtent pas aux prix. Les professionnels estiment qu’il faudra attendre près d’un mois avant que les manuels soient disponibles en librairie avec, en prime, une distribution inégale. «Avec une marge de seulement 30 dirhams par carton, à laquelle s’ajoutent des frais de transport élevés, de nombreux libraires ne pourront pas assurer l’acheminement», alerte El Kamoun.

Si les manuels des écoles publiques sont sous contrôle du ministère de l’Éducation, le privé échappe largement à cette régulation. Certains éditeurs profitent de ce vide juridique pour commercialiser des manuels inspirés des programmes marocains ou internationaux, imposés aux parents par les établissements. Résultat: un livre coûtant 35 dirhams à produire peut être revendu jusqu’à 300 dirhams.

«En quelques années, certains éditeurs se sont enrichis grâce à ces pratiques», confie un acteur du secteur au quotidien, appelant à une régulation stricte et à l’obligation d’afficher les prix sur chaque manuel, comme cela se fait dans d’autres pays. Même les grandes écoles et missions étrangères ne sont pas épargnées. Selon les distributeurs, près d’un quart des manuels importés destinés au secteur privé arrivent en retard, et l’offre complète n’est généralement disponible qu’à la fin septembre.

Si le marché des fournitures reste plus fluide, avec des prix jugés accessibles, une autre source de tension agite la profession: la vente directe par les établissements scolaires. Bien qu’interdite par les académies après de multiples plaintes, cette pratique continue dans l’axe Casablanca–Rabat. «Pour les libraires, il s’agit d’une concurrence déloyale qui appelle une intervention ferme du ministère», affirme le quotidien

Pour de nombreux professionnels, ces dysfonctionnements traduisent une gouvernance défaillante. Certains appellent au maintien des programmes des écoles pionnières sous tutelle de l’État, afin d’éviter une privatisation qui accentuerait les inégalités. «Pour que ce programme fonctionne, il ne doit en aucun cas être livré aux seuls intérêts privés», insiste Youssef Bejdane, distributeur.

Derrière ces tensions, c’est toute une filière stratégique qui se cherche. Le Maroc compte environ 8.500 établissements privés, dont les missions étrangères, scolarisant 21% des élèves. En 2022, les importations de livres francophones ont atteint 22 millions d’euros, dont près de la moitié consacrée aux manuels scolaires. Le Royaume se place ainsi comme premier importateur régional et continental, et septième mondial. Du côté de l’édition locale, le marché est évalué à environ 340 millions de dirhams par an mais, faute de statistiques officielles, la véritable portée de ce secteur reste floue.

Par La Rédaction
Le 26/08/2025 à 20h45