Pourquoi Coca-Cola ne va pas quitter le Maroc

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The Coca-Cola Export Corporation a rapidement réagi à la rumeur d’un transfert de son activité marocaine vers la Turquie, en raison de la décompensation prévue du sucre raffiné. Décryptage.

Le 16/02/2018 à 16h33

L’information s'est répandue comme une traînée de poudre jeudi 15 février. Elle a finalement (et logiquement) été démentie par le principal intéressé: «The Coca-Cola Export Corporation–Succursale du Maroc dément catégoriquement les allégations parues dans les articles en question concernant la cessation de ses activités industrielles au Maroc», peut-on lire dans un communiqué diffusé par la compagnie.

Quelques heures avant la publication de ce démenti, des informations faisaient état de la volonté de la compagnie de transférer son activité marocaine, principalement celle de son usine de Tanger, vers la Turquie. La raison: la volonté du gouvernement de décompenser le sucre en poudre que les industriels des boissons gazeuses utilisent dans leur processus de fabrication.

Mais cet argument ne semble pas tenir. Car si les industriels utilisent bien ce sucre subventionné, ils reversent par la force de la loi l’équivalent de la subvention aux caisses de l’Etat. Une suppression de la subvention n’aurait donc pas grand effet sur les coûts.

De plus, l’usine tangéroise citée comme celle devant être transférée vers la Turquie n’est pas une unité de la compagnie américaine. Elle appartient, au même titre qu'une autre usine à Oujda, à Atlas Bottling company du groupe Diana Holding (famille Zniber). Ce dernier n’est qu’un franchisé de la marque et distribue principalement dans le nord et l’Oriental.

Le reste du territoire national est couvert par l’usine d’Agadir de la Société de boissons gazeuses du Souss (SBGS) de la famille Belahssen, mais surtout par North Africa Bottling Company (NABC) qui dispose de plusieurs unités dans le centre du pays et qui couvre quasiment 70% du réseau marocain.

Conclusion: même si l’usine tangéroise venait à fermer, pour telle ou telle raison, cela ne veut pas dire que Coca-Cola sortait du marché national.

De plus, le secteur des boissons est extrêmement sensible aux coûts de transport et de la logistique. Importer le produit depuis la Turquie, comme cela a été évoqué, signifierait un surcoût important pour la marque et affecterait directement sa politique tarifaire et ce, dans un marché où prédominent les clients à revenus limités. Abandonner la production locale pour l’importation depuis l’étranger serait un non-sens d’un point de vue business.

Ceci étant dit, force est de constater que la «rumeur» sur le départ de Coca-Cola intervient dans un contexte particulier. Lors de leurs rencontres avec les pouvoirs publics, les industriels ne cessent de réclamer une libéralisation du marché interne du sucre raffiné. Cette option leur permettrait d’importer leur sucre depuis l’étranger et de profiter de prix plus bas que ceux appliqués sur le marché local. Et quoi de mieux qu’un contexte comme celui de la décompensation pour faire un peu plus de pression sur le gouvernement en vue d’obtenir gain de cause. Serait-ce la principale motivation de ceux qui ont fait circuler la rumeur sur Coca-Cola? Le doute est permis.

Par Younès Tantaoui
Le 16/02/2018 à 16h33