Maroc Vert: les failles structurelles d’un plan qui a consacré les disparités

Une exploitation agricole. DR

Revue de presseL’agriculture familiale reste marginalisée, la souveraineté alimentaire s’érode et la dépendance aux importations s’accentue. Alors que les grandes exploitations prospèrent, les nappes phréatiques s’épuisent et le pouvoir d’achat des ménages se détériore, laissant planer le spectre d’une insécurité alimentaire durable. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Les Inspirations Eco.

Le 08/09/2025 à 19h20

Depuis son lancement en 2008, le Plan Maroc Vert (PMV) n’a cessé d’alimenter débats et controverses. «Conçu comme une stratégie de modernisation de l’agriculture marocaine, ce programme a suscité autant d’éloges que de vives critiques, au point de pousser le Parlement à mettre en place une commission d’évaluation dont les travaux sont encore en cours», indique Les Inspirations Eco dans son édition du 9 septembre.

Ses détracteurs dénoncent avant tout son inefficacité face aux sécheresses récurrentes qui frappent le Royaume, accentuant la vulnérabilité de la sécurité alimentaire nationale. D’autres pointent des choix stratégiques jugés déséquilibrés, privilégiant les grandes exploitations et l’export au détriment de l’agriculture vivrière.

Malgré ces critiques, les responsables gouvernementaux continuent de dresser un tableau positif. «Le Plan Maroc Vert a profondément transformé l’agriculture marocaine», a affirmé Ahmed El Bouari, ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, lors du 19ᵉ Forum africain sur les systèmes alimentaires, tenu récemment au Sénégal.

Selon lui, le Maroc est devenu une référence agricole en Afrique grâce à la modernisation des filières, à l’accompagnement des petits exploitants et au renforcement de l’autosuffisance alimentaire. Les résultats avancés font état d’une hausse de 47% du revenu agricole, d’un quasi-triplement des exportations et de taux d’autosuffisance «élevés» pour plusieurs produits stratégiques. Le ministre a également mis en avant une économie d’environ deux milliards de m³ d’eau d’irrigation ainsi que la promotion de pratiques agricoles durables.

Pourtant, derrière ce discours, de nombreux experts nuancent la portée réelle de ces résultats. «Les aides publiques ont surtout profité aux grandes exploitations tournées vers l’export, laissant en marge l’agriculture familiale vivrière», observe Mohamed Tahar Sraïri, agronome à l’IAV Hassan II, cité par Les Inspirations Eco.

Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) a d’ailleurs signalé une dégradation continue de l’emploi agricole ces dernières années. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a, lui, mis en évidence la faible intégration des petites et moyennes exploitations dans la dynamique du développement rural. Les chiffres illustrent cet écart: entre 2008 et 2018, près de 99 milliards de dirhams ont été alloués à l’agriculture à haute valeur ajoutée, contre seulement 14,5 milliards de dirhams à l’agriculture solidaire, lit-on.

Pour Sraïri, ce déséquilibre a des conséquences directes: «le Maroc a perdu la maîtrise de ses semences céréalières et sa souveraineté sur la plupart des produits agricoles». Aujourd’hui, plus de 80% des variétés de céréales commercialisées sont importées, alors que le développement d’une nouvelle variété peut prendre jusqu’à dix ans.

Ce constat est d’autant plus préoccupant que l’approvisionnement national en produits vivriers de base tels que le blé tendre ou le sucre raffiné dépend fortement des importations, avec un coût budgétaire colossal et un impact sanitaire croissant. L’épuisement des nappes phréatiques, la baisse de fertilité des sols et la disparition de milliers d’emplois agricoles illustrent également les limites du modèle.

Également cité par Les Inspirations Eco, Mohamed Bajeddi, agroéconomiste, estime pour sa part que «le discours officiel relève davantage de la communication que d’une véritable évaluation chiffrée». Selon lui, le PMV n’a pas suffisamment intégré la contrainte climatique ni la nécessité d’une gestion durable de l’eau.

Il rappelle que jusqu’aux années 1970, le Maroc disposait d’une balance alimentaire excédentaire grâce à des investissements ciblés dans la production de semences et au développement de filières animales et végétales. Depuis, le déficit s’est installé, accentuant la dépendance aux importations et fragilisant l’élevage local.

En parallèle, la flambée des prix agricoles sur le marché intérieur érode le pouvoir d’achat des ménages, nourrissant les craintes d’une insécurité alimentaire durable. Malgré le potentiel du secteur, le Maroc peine encore à satisfaire les besoins essentiels de sa population, dépendant toujours de l’étranger pour ses semences et une partie de ses produits de base

Par La Rédaction
Le 08/09/2025 à 19h20