Après plusieurs semaines d’euphorie sur les marchés, le cours de l’or a connu mardi dernier une chute spectaculaire, perdant 6,3% en une seule journée. Le métal précieux est passé brutalement de 4.356 à 4.125 dollars l’once, un repli d’une ampleur inédite depuis plus d’une décennie. L’argent, souvent considéré comme le petit frère de l’or, a lui aussi plongé de près de 8,7%.
Si les causes exactes de cette correction restent floues, la plupart des analystes évoquent une réaction technique après une période de surchauffe. «Le marché aurifère évoluait en effet en zone de surachat depuis le début du mois de septembre, poussant de nombreux investisseurs à encaisser leurs gains avant une éventuelle accalmie», relève le quotidien Les Inspirations Eco dans son édition du 29 octobre.
Ce mouvement de repli s’explique également par un contexte international tendu. À la veille de la publication du Consumer Price Index américain, indicateur clé de l’inflation, les opérateurs ont préféré faire preuve de prudence. Les chiffres de l’inflation pèseront en effet sur la prochaine décision de la Réserve fédérale américaine quant à l’évolution de ses taux directeurs.
Dans le même temps, l’annonce d’une rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping a contribué à apaiser les tensions commerciales entre Washington et Pékin, réduisant ainsi la demande pour les valeurs refuges comme l’or. Malgré tout, la tendance de fond reste positive pour le métal jaune. Le cycle de baisse des taux d’intérêt entamé par la Fed en septembre redonne de l’attrait à un actif sans rendement, d’autant que le coût d’opportunité face aux obligations s’en trouve réduit. Certains experts estiment d’ailleurs que l’or pourrait repartir à la hausse et s’approcher des 4.900 dollars l’once dans le courant de l’année prochaine.
Ces mouvements internationaux ne sont pas sans répercussions sur le Maroc, indique Les Inspirations Eco. Dans les souks comme dans les ateliers d’artisanat, les bijoutiers ressentent directement la volatilité du marché mondial. «Certains ateliers à l’étranger ont dû fermer temporairement face à l’instabilité des cours. Chez nous, les prix suivent mécaniquement les fluctuations internationales», confie Idriss El Hazzaz, président de la Fédération nationale des bijoutiers, cité par Les Inspirations Eco. Le Maroc, bien que marginal sur la scène aurifère mondiale, subit de plein fouet ces variations, sans réellement pouvoir en tirer profit.
Le marché marocain repose sur trois principales sources d’approvisionnement : le recyclage d’anciens bijoux, la production minière nationale et les importations. Mais le recyclage ne couvre que 10 à 15% des besoins, et les mines marocaines exportent presque toute leur production, malgré une réglementation imposant de réserver 15% au marché local. Les importations, elles, sont souvent ralenties par des procédures de change jugées trop lourdes. Résultat: de nombreux bijoutiers peinent à s’approvisionner légalement et se tournent vers des circuits parallèles. Une part importante de l’or brut ou des bijoux importés, notamment d’Italie, entre ainsi au Maroc par des voies informelles, ce qui renchérit les prix pour le consommateur final de 5 à 10%.
Cette situation, dénoncée depuis des années par les acteurs du secteur, fragilise une filière pourtant porteuse. Une étude stratégique menée avec la direction de l’artisanat avait proposé plusieurs pistes pour structurer le marché et protéger un savoir-faire ancestral, mais les réformes tardent à voir le jour. «C’est un manque à gagner pour le Maroc, qui pourrait devenir exportateur de bijoux traditionnels. Beaucoup de petites unités artisanales n’ont pas résisté à la flambée des prix, surtout que le pouvoir d’achat ne suit plus», regrette El Hazzaz.
Malgré tout, la demande intérieure reste soutenue. Les foyers les plus aisés continuent d’investir dans l’or, symbole de sécurité et de prestige en période d’incertitude. En revanche, la classe moyenne se tourne de plus en plus vers l’argent, plus accessible et dont les variations suivent celles de l’or. Ce métal a lui aussi reculé récemment, se stabilisant autour de 48 dollars l’once, après avoir brièvement touché 47,89 dollars. Sa baisse plus marquée s’explique par le ralentissement de la demande industrielle, notamment en Asie. Les perspectives restent néanmoins positives, l’argent étant de plus en plus sollicité dans les technologies vertes et les industries liées à la transition énergétique.
Aujourd’hui, le prix de l’or brut au Maroc avoisine 940 dirhams le gramme. Le secteur, qui génère près de 43.700 emplois, reste un pilier économique et culturel important. Mais il peine encore à tirer pleinement parti de son potentiel face à la dépendance aux cours internationaux, aux contraintes réglementaires et à la concurrence du marché informel.







