Loi de Finances 2026: le sport à l’épreuve de l’industrialisation

Photo d'illustration.

La Loi de Finances 2026 opère un changement de paradigme dans l’approche publique du sport, désormais appréhendé non plus comme une simple activité associative, mais comme un secteur économique à part entière, appelé à s’organiser, à se structurer et à produire de la valeur. . DR

Revue de presseEn conditionnant les avantages fiscaux à la performance financière et à l’adoption du statut sociétaire, la Loi de Finances 2026 engage une transformation profonde du modèle sportif marocain. Longtemps structuré autour du bénévolat et des subventions publiques, le secteur est désormais appelé à fonctionner comme une véritable industrie, capable d’attirer des capitaux privés, de créer de la valeur et d’accompagner les grandes ambitions sportives et économiques du Royaume. Cet article est une revue de presse tirée de Challenge.

Le 28/12/2025 à 19h21

La Loi de Finances 2026 introduit une inflexion profonde dans la manière dont l’État conçoit désormais le sport, en le faisant clairement basculer d’un champ essentiellement associatif vers un véritable secteur économique structuré. «En liant l’accès à des avantages fiscaux substantiels à l’adoption du statut sociétaire, à la transparence financière et à la capacité de génération de revenus, le législateur cherche à instaurer une nouvelle logique de création de valeur, dans laquelle la performance sportive devient indissociable de la performance économique», écrit le magazine hebdomadaire Challenge dans une analyse dédiée.

Cette orientation traduit une volonté assumée de repositionner le sport comme un levier de croissance, d’emploi et d’attractivité territoriale. Le texte s’inscrit dans une stratégie plus large de préparation aux grandes échéances sportives internationales à venir, notamment la Coupe du monde 2030, mais aussi dans une dynamique de modernisation de l’économie nationale. Le sport n’est plus perçu uniquement comme un vecteur social ou culturel, mais comme une industrie potentielle capable de mobiliser des capitaux, de structurer des chaînes de valeur et de générer des externalités positives pour d’autres secteurs, tels que le tourisme, les services, les médias ou les infrastructures.

«Le cœur économique de la réforme repose sur l’incitation à la transformation des associations sportives en sociétés anonymes sportives», souligne Challenge. L’exonération totale de l’impôt sur les sociétés pendant cinq ans, déclenchée à partir de la première opération commerciale imposable, vise à offrir aux nouvelles entités un horizon de consolidation financière. Ce mécanisme est conçu pour encourager l’investissement initial, notamment dans les infrastructures, la formation, la structuration managériale et le développement de la marque. En conditionnant l’avantage fiscal à la capacité de générer des revenus commerciaux, la Loi de Finances introduit un critère de viabilité économique qui rompt avec les pratiques antérieures, souvent marquées par une dépendance aux subventions et par une gouvernance peu formalisée.

«Cette réforme fiscale envoie également un signal fort aux investisseurs privés. La déductibilité des dons accordés aux sociétés sportives permet de canaliser une partie de l’épargne et du mécénat des entreprises vers un secteur historiquement sous-capitalisé», note Challenge. En réduisant le coût fiscal du soutien financier, l’État cherche à créer un effet de levier et à favoriser l’émergence de partenariats durables entre le monde économique et les clubs. Par ailleurs, la neutralité fiscale accordée aux transferts d’actifs entre associations et sociétés sportives réduit considérablement les barrières à la transformation juridique, en supprimant un risque financier longtemps jugé dissuasif par les dirigeants de clubs.

La prorogation de l’exonération de la TVA sans droit à déduction jusqu’en 2030 s’inscrit dans la même logique de sécurisation économique. Dans un secteur caractérisé par des revenus volatils et fortement corrélés aux résultats sportifs, cette stabilité fiscale améliore la prévisibilité des flux de trésorerie et renforce la crédibilité des plans d’affaires. Elle constitue un élément clé pour attirer des partenaires financiers, structurer des projets d’investissement et inscrire les clubs dans une logique de moyen et de long terme.

Sur le plan du marché du travail, la Loi de Finances 2026 introduit également des mécanismes destinés à formaliser et à professionnaliser les ressources humaines du secteur sportif. Les abattements progressifs sur l’impôt sur le revenu appliqués aux salaires des sportifs professionnels, des entraîneurs et des personnels techniques visent à encourager la contractualisation, la déclaration des revenus et la stabilité sociale. Cette approche graduelle répond à une réalité économique marquée par la précarité, l’informalité et l’irrégularité des paiements, qui ont longtemps freiné l’attractivité et la compétitivité du sport national.

Toutefois, cette mutation soulève des enjeux majeurs de gouvernance et de capacité d’absorption. La transformation en sociétés sportives implique des compétences en gestion financière, en conformité réglementaire et en pilotage stratégique que tous les clubs ne maîtrisent pas encore. Le risque est celui d’une professionnalisation asymétrique, où seuls les acteurs déjà structurés seraient en mesure de tirer pleinement parti des dispositifs fiscaux, accentuant les écarts économiques au sein du paysage sportif national. De plus, la transformation juridique ne constitue pas, en soi, une garantie de bonne gouvernance. Sans mécanismes de contrôle, d’audit et d’évaluation rigoureux, les avantages fiscaux pourraient se traduire par des rentes peu productives, sans impact réel sur la qualité de la gestion ni sur la performance globale du secteur.

Par La Rédaction
Le 28/12/2025 à 19h21