Les Objectifs de développement durable et la règle d’équilibre budgétaire: une compatibilité incertaine

L'économiste Yasser Tamsamani estime que l’ONU devrait encourager les PED à adopter des outils macroéconomiques qui dépassent le principe strict de l’équilibre budgétaire.

Dans un article publié dans le dernier numéro de la revue Mondes en développement, l’économiste Yasser Y. Tamsamani interroge frontalement le dogme de l’équilibre budgétaire. Il y soutient que ce cadre macroéconomique, érigé en norme, constitue bien souvent un frein majeur à la réalisation des Objectifs de développement durable dans les pays en développement.

Le 31/12/2025 à 12h44

En préambule de son article, l’économiste Tamsamani rappelle que l’Agenda 2030 de l’ONU vise l’éradication de la pauvreté et la promotion du progrès et de la paix dans le monde. Atteindre ces objectifs nécessite un engagement financier important de la part des États, car les besoins sont très élevés, en particulier dans les PED (Pays En Développement). Or, les stratégies macroéconomiques dominantes tendent à limiter le rôle actif du budget. Deux visions se confrontent: les tenants de l’intervention publique, qui considèrent l’État comme moteur de la croissance et de l’emploi, et les libéraux, qui confient principalement au marché le rôle de déterminer les niveaux optimaux de production et d’emploi.

Le cadre macroéconomique des ODD, tel que présenté dans les rapports de l’ONU, ne définit pas clairement le rôle que doit jouer la politique budgétaire, constate Tamsamani. La standardisation des règles budgétaires et la focalisation sur la soutenabilité de la dette limitent la capacité des PED à mobiliser le budget comme outil de développement. Les approches néoclassiques, qu’elles soient anciennes ou nouvelles, insistent sur la neutralité ou le rôle contracyclique du budget et sur l’atteinte d’un équilibre à long terme, mais elles ne garantissent pas un développement effectif dans les PED.

Tamsamani souligne que les politiques économiques standardisées échouent souvent à produire les effets escomptés dans les PED. L’ouverture commerciale, la libéralisation des marchés et les réformes structurelles ont parfois renforcé les inégalités et limité la croissance effective. Dans ce contexte, la politique budgétaire devrait agir simultanément sur l’offre et la demande, créer de nouvelles capacités productives et réduire les inégalités, afin de permettre un développement durable.

Pour cela, l’auteur propose une approche inspirée de Michal Kalecki, qui plaide pour une politique budgétaire proactive. Selon cette perspective, l’État doit intervenir de manière anticipatrice pour orienter l’activité économique, financer des cycles de croissance et élargir les capacités de production, tout en tenant compte du plein emploi désiré et en minimisant les contraintes financières. Cette approche renverse la logique traditionnelle: le court terme influence le long terme et la croissance potentielle dépend des actions budgétaires actuelles.

En conclusion, Tamsamani suggère que l’ONU devrait encourager les PED à adopter des outils macroéconomiques qui dépassent le principe strict de l’équilibre budgétaire, afin de mieux financer les ODD. Cette approche s’inscrit dans la lignée d’une «réorientation radicale du développement économique» et du développement d’un nouveau contrat social international, en phase avec les besoins et les trajectoires spécifiques de chaque pays.

Par La Rédaction
Le 31/12/2025 à 12h44