Le Maroc face au défi d’une décarbonation inclusive

La réticence des grandes entreprises, la fragilité des PME et l’absence d’une taxonomie verte claire freinent encore l’élan vers une économie bas carbone.. DR

Revue de presseSi la volonté politique et les instruments financiers existent, la réticence des grandes entreprises, la fragilité des PME et l’absence d’une taxonomie verte claire freinent encore l’élan vers une économie bas carbone. Le pays, pourtant pionnier des politiques climatiques, doit désormais réussir le pari d’une transition juste et partagée. Cet article est une revue de presse tirée de Finances News.

Le 21/10/2025 à 19h50

Le Maroc se trouve aujourd’hui à un tournant crucial de sa transition écologique. «Si plus d’un milliard d’euros ont déjà été mobilisés à travers divers mécanismes financiers pour orienter les entreprises vers la décarbonation, le pays doit encore relever d’importants défis pour transformer ces ambitions en réalité tangible», indique le magazine Finances News Hebdo. La réticence de certaines grandes entreprises, la difficulté d’inclure les PME dans le mouvement et l’absence d’une taxonomie verte claire freinent une dynamique pourtant bien amorcée.

Depuis plusieurs années, le Maroc s’est imposé sur la scène internationale comme un acteur engagé dans la lutte contre le changement climatique. Cette volonté s’incarne dans sa Contribution déterminée au niveau national (CDN 3.0), qui vise une réduction de 53% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2035. Pour atteindre cet objectif, les autorités ont mis en place une panoplie d’instruments économiques destinés à corriger les défaillances du marché et à encourager des investissements plus verts. Ces dispositifs, souvent soutenus par des partenaires internationaux, ont permis de financer la modernisation énergétique du secteur privé.

Parmi eux, le Green Economy Financing Facility (GEFF), successeur du programme Morsef, se distingue comme l’un des leviers les plus efficaces. Il offre des subventions pour l’acquisition d’équipements verts, notamment en matière d’efficacité énergétique. Grâce à ce mécanisme, plus d’un milliard d’euros ont déjà été distribués aux entreprises. L’argument central en faveur de ces initiatives reste la compétitivité. Investir dans la décarbonation, c’est aussi réduire les coûts de production et renforcer sa position sur le marché, écrit Finances News.

L’exemple du secteur agricole illustre bien cette logique. Le passage massif au pompage solaire n’a pas été motivé par une incitation publique majeure, mais par un constat économique clair. Cette technologie est devenue plus rentable que les pompes à gaz, pourtant subventionnées. L’énergie représentant près de la moitié du coût de production agricole, la réduction de cette charge est devenue une question de survie économique.

Dans l’industrie, la dynamique est différente. Malgré la multiplication des incitations, les grandes entreprises restent prudentes. Beaucoup considèrent encore les investissements verts comme une charge plutôt qu’un levier de compétitivité. Le faible poids de la facture énergétique dans leurs coûts, entre 2 et 10%, explique en partie ce manque d’empressement. «Même les dispositifs comme la charte d’investissement, qui prévoit une prime de 3% du capital investi pour les projets intégrant des composantes de transition écologique, peinent à séduire», note Finances News Hebdo. Peu d’industriels intègrent réellement ces critères dans leurs dossiers de financement.

À cette réticence s’ajoute une confusion persistante autour des concepts. Le manque de clarté terminologique freine l’adoption de stratégies cohérentes. Conscient de cette lacune, le ministère de l’Économie et des Finances élabore actuellement une taxonomie verte adaptée au contexte marocain. Celle-ci devrait permettre d’uniformiser la compréhension des notions liées à la transition climatique entre les entreprises, les banques et les investisseurs.

La question de la tarification carbone reste, quant à elle, en suspens. Bien que défendue par de nombreux experts et par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), l’instauration d’une taxe carbone nationale ne figure pas parmi les priorités immédiates du gouvernement. Cette absence de pression financière interne contraste avec les dispositifs européens, comme le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), qui pèse de plus en plus sur les exportateurs marocains.

Les petites et moyennes entreprises se trouvent, elles, dans une situation encore plus délicate. Si les grandes entreprises peuvent se permettre une transition progressive, les PME manquent souvent de marge de manœuvre financière. Pour nombre d’entre elles, adopter des technologies vertes signifierait compromettre leur compétitivité, voire leur survie. Ces difficultés sont particulièrement marquées dans les milieux ruraux, où les coopératives, souvent dirigées par des jeunes ou des femmes, peinent à accéder à des financements adaptés à leurs besoins.

La réussite de la transition verte marocaine dépend donc d’un écosystème plus complet et inclusif. Il ne s’agit pas seulement de débloquer des fonds, mais de s’assurer de la disponibilité d’équipements certifiés, de fournisseurs fiables, de normes claires et d’un accompagnement technique accessible. Sans cette infrastructure, les incitations financières risquent de rester l’apanage d’une minorité d’acteurs déjà favorisés, laissant à la traîne ceux pour qui la transition représente le plus grand défi.

Par La Rédaction
Le 21/10/2025 à 19h50