Incidents de paiement: un mal qui persiste

Un terminal de paiement électronique (TPE).. LDProd

Revue de presseMalgré la montée en puissance des paiements digitaux, les rejets d’opérations bancaires restent préoccupants. Une étude menée auprès de professionnels du secteur bancaire révèle un système à deux vitesses, où modernité technologique cohabite avec des pratiques à risque et un déficit d’éducation financière. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Les Inspirations Eco.

Le 07/08/2025 à 22h48

Le paysage des paiements au Maroc est en pleine transformation. Entre cartes bancaires, virements instantanés, portefeuilles électroniques ou encore solutions mobiles, les options numériques gagnent du terrain. Et pourtant, les instruments traditionnels comme les chèques, lettres de change ou prélèvements automatiques continuent de générer un volume alarmant d’incidents. C’est le constat paradoxal dressé par une étude inédite de Mustapha Kidouch, chercheur en sciences de gestion, dont les résultats seront publiés dans l’African Scientific Journal, indique le quotidien Les Inspirations Eco.

Menée auprès de cinquante professionnels issus du secteur bancaire marocain, cette enquête dévoile les fragilités persistantes du système, en dépit de la modernisation technologique. Selon les répondants, la carte bancaire est aujourd’hui l’instrument le plus utilisé, devant le chèque et la lettre de change. Pour les transactions de services, le virement bancaire s’impose comme l’outil privilégié, cité par la quasi-totalité des banquiers interrogés. En revanche, les prélèvements automatiques peinent toujours à s’ancrer dans les usages, freinés par leur manque de fiabilité, lit-on.

Les causes de ces dysfonctionnements sont multiples, mais trois explications dominent. Près de la moitié des professionnels interrogés attribuent les rejets à un manque d’honnêteté de certains usagers, notamment ceux qui émettent sciemment des chèques sans provision. Un quart d’entre eux dénoncent une méconnaissance des règles bancaires, tandis qu’un autre quart pointe une gestion financière défaillante de la part des clients, écrit Les Inspirations Eco.

Les chiffres collectés sont édifiants. En 2022, plus de 843.000 chèques ont été rejetés, ce qui représente un taux global de 3,3%. Dans 60% des cas, c’est le manque de provision qui est en cause. Les lettres de change enregistrent quant à elles un taux de rejet de 14%, dont 88% sont également dus à une insuffisance de fonds. La situation est encore plus préoccupante pour les prélèvements automatiques, qui affichent un taux de rejet de 78,7%, un chiffre en hausse constante depuis 2018. Seuls les virements bancaires semblent relativement épargnés, avec un taux de rejet marginal de 0,1%, lit-on encore.

Les professionnels du secteur ne se contentent pas de dresser un constat. Ils proposent aussi des pistes d’amélioration. Ainsi, 43% des banquiers interrogés estiment qu’il est urgent de renforcer le cadre législatif encadrant les instruments de paiement, notamment les chèques. Ils plaident pour des sanctions plus dissuasives face aux abus.

Un autre axe de réforme repose sur l’éducation financière. Pour un tiers des professionnels, il est indispensable de mieux informer les usagers sur les délais d’exécution des opérations, les conditions de provision ou encore les conséquences d’un rejet. Enfin, 24% des répondants recommandent de simplifier les démarches bancaires, estimant que la complexité administrative actuelle constitue un facteur aggravant de rejet, souligne Les Inspirations Eco.

Pour Mustapha Kidouch, l’un des leviers les plus puissants du système bancaire marocain réside dans son mécanisme interbancaire d’exécution rapide des paiements. Il recommande de mieux exploiter ce potentiel en accélérant la digitalisation des services pour améliorer l’efficacité opérationnelle et l’expérience client. Toutefois, la modernisation technologique, aussi avancée soit-elle, ne suffit pas à elle seule à éradiquer les comportements de mauvaise foi.

Le chercheur suggère de renforcer les dispositifs de détection des fraudes en s’appuyant sur des outils d’intelligence artificielle et d’analyse de données. Il alerte également sur la pression concurrentielle croissante exercée par les établissements de paiement et les plateformes numériques, qui obligent les banques traditionnelles à revoir leur positionnement. Pour rester compétitives, elles doivent diversifier leurs offres et proposer des services à forte valeur ajoutée.

La modernisation du secteur bancaire intervient dans un contexte d’expansion de l’inclusion financière. Selon Bank Al-Maghrib, 58% des adultes marocains détenaient un compte bancaire en 2024, contre 54% un an plus tôt. Cette progression s’explique notamment par l’arrivée de jeunes clients (dont 55% ont moins de 25 ans) et de femmes (elles représentent 45% des nouveaux bancarisés).

Mais derrière cette progression quantitative, l’usage réel reste limité. Une part importante de ces comptes bancaires est ouverte uniquement pour recevoir des aides sociales ou des virements occasionnels, sans réelle activité bancaire régulière. Ce décalage entre bancarisation et usage souligne la nécessité de proposer des services simples, accessibles et pédagogiques, en particulier dans les zones rurales.

Par La Rédaction
Le 07/08/2025 à 22h48