Souveraineté nationale, intégration continentale et internationale, dynamisation de l’investissement privé, modèles économiques viables et agiles, équité territoriale, gestion responsable des ressources et gestion active du portefeuille public. Tels sont les sept orientations stratégiques de la nouvelle politique actionnariale de l’État, adoptée début juin lors du Conseil des ministres présidé par le Roi. Interrogée sur la lenteur observée dans la mise en œuvre de cette réforme, dont les premières orientations ont été définies par le discours du trône de juillet 2020, la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah, affirme que la réforme des établissements et entreprises publiques (EEP) revêt un «caractère stratégique» et «que son opérationnalisation doit se faire dans les règles de l’art».
«L’opérationnalisation a démarré avec le premier conseil d’administration de l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’État (ANGSPE), tenu en décembre 2022. Il fallait ensuite réunir des équipes, mettre en place les instances de gouvernance, élaborer les textes législatifs et réglementaires qui découlent de la réforme», explique-t-elle.
Et d’ajouter: «À présent que nous avons ce cap, l’ANGSPE doit préparer une politique actionnariale qui sera soumise à la validation de son conseil d’administration, puis à une instance de concertation présidée par le Chef du gouvernement, avant de la soumettre à l’approbation par le Conseil du gouvernement». «Notre ambition, c’est de faire aboutir ce projet et passer toutes ces étapes d’ici à la rentrée du mois de septembre, pour avoir une politique actionnariale consensuelle, après des discussions avec l’ensemble des parties prenantes», justifie la ministre.
Selon Nadia Fettah, il n’existe aucun risque d’interférence entre l’ANGSPE et les ministères de tutelle des différents EEP. «Les rôles sont aujourd’hui clairs. L’Agence représente l’État actionnaire, préside ou est membre d’un conseil d’administration. Les ministères de tutelle sont quant à eux représentés au conseil d’administration de l’ANGSPE. Nous sommes dans un système favorisant la concertation, la discussion et la négociation avec plusieurs parties prenantes, avec une gouvernance claire, où chacun est dans son rôle», dit-elle.
L’ANGSPE se trouve ainsi au cœur des stratégies sectorielles et des réflexions en cours sur la transformation de certains EEP. Évoquant l’exemple du secteur de l’énergie, Fettah affirme que les choix faits par le Maroc, en s’appuyant sur des partenariats public-privé (PPP), au niveau de la production (Noor) comme au niveau de la distribution (création des Sociétés régionales multiservices), sont en train d’être clarifiés.
«Nous avons une chaîne de valeur où chacun doit jouer son rôle. Maintenant, il faut se déterminer avec les EEP, notamment l’Onhym, l’ONEE, etc. Que devient leur rôle au moment où nous accélérons le rythme des PPP?», s’interroge la ministre, ajoutant qu’une étude a été lancée notamment pour définir le nouveau modèle économique de l’ONEE.
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Par ailleurs, favorisant une gestion dynamique du portefeuille public, le gouvernement planche sur une refonte du régime des privatisations.
«La politique actionnariale de l’État dira s’il faut garder tout ou partie de certains EEP. L’État pourra être amené à se désengager de certaines activités, quand les conditions de marché sont réunies», note l’argentière du Royaume, en rupture avec l’approche qui prévalait depuis plusieurs années, dans laquelle les recettes de privatisations servaient à colmater les brèches budgétaires.
La ministre illustre ainsi ses propos par l’exemple du CIH. «Avant de penser à ce que la cession de la participation de l’État pourrait rapporter sur le plan financier, il faut se poser la question du rôle financier de l’État actionnaire au moment où nous sommes en train d’accélérer l’inclusion financière, où nous avons lancé des chantiers sociaux importants, notamment pour accompagner les citoyens à acquérir un logement, où on veut développer du crowdfunding, etc.», précise-t-elle.
Interrogée sur la doctrine qui sous-tend la réforme de l’État actionnaire qui, d’un côté, encourage une attitude interventionniste de l’État en gardant la main sur les secteurs stratégiques ou de souveraineté et, de l’autre, ouvre la voie au désengagement d’un certain nombre d’activités, Nadia Fettah invite à regarder de près l’exemple de l’exemple du groupe OCP pour comprendre la philosophie de la nouvelle politique actionnariale de l’État.
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«OCP est la seule entreprise de cette taille à avoir un programme d’investissement de 13 milliards de dollars, sur une période de cinq ans. Près de 60% de la valeur ajoutée générée par ces investissements sera réalisée au Maroc. Cela fait travailler des entreprises privées qui doivent grandir. C’est l’occasion aussi de créer de nouvelles entreprises, d’incuber des startups à l’UM6P pour développer des technologies, etc.», explique-t-elle pour montrer que ces financements, perçus comme publics, profitent à tout un écosystème d’entreprises marocaines et africaines.
«Quand l’établissement public réussit, cela bénéficie à l’ensemble de l’écosystème et d’abord au secteur privé. Pas besoin d’opposer le capital public au capital privé. Il faut se mettre d’accord sur une ambition, un appétit pour être des champions, des leaders régionaux. Ce qui serait extraordinaire, c’est que le deux grandissent en même temps et plus vite. Cela signifierait qu’on a ce volume d’investissement qui est souhaité et qui est nécessaire pour atteindre des niveaux de croissance suffisants pour notre ambition commune», conclut Nadia Fettah.
L’interview de la ministre de l’Économie et des Finances a été également l’occasion d’aborder de nombreux autres sujets d’actualité, allant de la situation de la dette publique à l’épineux dossier de la réforme des retraites, en passant par le débat sur le financement des grands chantiers inscrits dans le cadre des préparatifs de la Coupe du monde 2030. Nous y reviendrons.