Explosion du cash en circulation au Maroc, comment rétablir la confiance dans le système financier

Des billets d'argent en dirham marocain. Photographie d'illustration.

La circulation de billets de banque est en forte augmentation dans l'économie marocaine. (Photo d'illustration). DR

La volume d’argent liquide en circulation connait une envolée spectaculaire au Maroc, au grand détriment des dépôts et, partant, des liquidités bancaires. Afin de réinstaurer la confiance dans le système financier, le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, recommande de recourir davantage au mobile banking, notamment pour l’octroi des futures aides gouvernementales.

Le 23/06/2023 à 08h40

Malgré les progrès réalisés au niveau de l’inclusion financière des citoyens, le cash est toujours monnaie courante au Maroc, voire LA monnaie courante. À fin avril 2023, la circulation fiduciaire a atteint 371,8 milliards de dirhams, en progression annuelle de 12,2%, selon les dernières statistiques monétaires de Bank Al-Maghrib.

Une courbe ascendante qui n’a pas manqué d’interpeller le wali de la banque centrale. Lors du point de presse tenu à l’issue du dernier Conseil de BAM, Abdellatif Jouahri a attiré l’attention sur l’explosion du volume de monnaie fiduciaire en circulation au Maroc. Un phénomène qui pèse lourdement sur les liquidités des banques et qui s’est accentué ces dernières années, principalement à cause des effets de la crise sanitaire et de la montée inflationniste.

«Depuis la Covid, le cash a fortement progressé. La monnaie fiduciaire a augmenté de 20% en 2020, alors que la tendance se limitait auparavant à 6% ou 7% par an. Nous sommes revenus à ce taux en 2021, avant de repartir à la hausse, avec une évolution à deux chiffres en 2022. Et ça se poursuit encore cette année», déplore le wali de la Bank Al-Maghrib.

Tous ces billets en circulation, c’est autant de «manque à gagner» en termes de dépôts pour les banques. Surtout que ces dernières font face à un réel manque de liquidités, les poussant à se financer davantage auprès de la Banque centrale. En effet, sur la base de l’évolution prévue des réserves de change de Bank Al-Maghrib et de la circulation fiduciaire, le déficit de liquidité des banques devrait se creuser à 107,1 milliards de dirhams à fin 2023 et à 118,3 milliards à fin 2024.

Une multitude de facteurs

Plusieurs facteurs expliquent la prédominance du cash au Maroc. D’un côté la persistance dans l’économie nationale du secteur informel et de l’évasion fiscale, et de l’autre la progression des recettes du tourisme et des transferts des MRE ces dernières années.

«L’informel constitue près de 30% de l’activité du pays (…) Il y a des gens qui ne veulent pas être sur le radar fiscal (…) Il y a deux autres éléments qu’il ne faut pas oublier, et qui sont positifs: c’est le tourisme et les transferts des MRE, qui tirent aussi le cash à la hausse», a souligné Abdellatif Jouahri.

En effet, selon les projections de Bank Al-Maghrib, les recettes de voyages devraient progresser de 14,9% en 2023, à 107,6 milliards de dirhams, puis connaître une quasi-stabilité en 2024. Les transferts des MRE devront quant à eux suivre une hausse annuelle avoisinant les 3,5%, pour atteindre un montant de 114,7 milliards de dirhams en 2023, et de 118,7 milliards en 2024.

Mais pour le wali de la Banque centrale, le problème est surtout d’ordre culturel. «Le cash fait partie de la tradition dans notre pays, parce qu’il est facile et sans risque. Il faut changer les cultures, mais malheureusement, il n’y a pas plus difficile que cela», regrette-t-il.

La solution du «mobile banking»

Pour opérer un tel changement de paradigme et instaurer une confiance totale dans le système financier, Abdellatif Jouahri a recommandé de recourir à large échelle au «mobile banking», solution permettant d’effectuer des paiements et des opérations bancaires à partir d’un smartphone. Et le wali voit dans les futures aides directes du gouvernement un «cheval de Troie» idéal.

«Si demain les aides directes du gouvernement passent par le mobile banking, les gens vont réfléchir. Techniquement, nous sommes prêts, il n’y a pas de raison que cela ne fonctionne pas, a-t-il suggéré. La modernisation des systèmes de paiement, le changement de paradigme technologique et les décisions gouvernementales pourraient faire changer les choses et réussir ce pari».

Par Safae Hadri
Le 23/06/2023 à 08h40