Crédits bancaires: Jouahri détaille les freins à la baisse des taux

Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib.

Malgré l’assouplissement monétaire engagé depuis juin 2024, la baisse du taux directeur n’est répercutée que partiellement par les banques au profit de leurs clients. Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, pointe des facteurs structurels et conjoncturels et annonce des discussions imminentes avec le secteur bancaire pour accélérer la transmission au bénéfice de l’économie réelle.

Le 17/12/2025 à 12h43

La transmission des décisions de politique monétaire aux conditions de crédit demeure incomplète. C’est le constat dressé par Bank Al-Maghrib (BAM) à l’issue de la réunion trimestrielle de son conseil, tenue mardi 16 décembre 2025 à Rabat. La Banque centrale relève que la baisse des taux débiteurs appliqués aux crédits bancaires accordés au secteur non financier reste inférieure à celle du taux directeur.

Selon les données présentées, le recul cumulé des taux débiteurs depuis le début du cycle d’assouplissement monétaire engagé en juin 2024 s’est établi à 58 points de base (pb) au troisième trimestre 2025. Ce niveau demeure en deçà de la baisse de 75 pb décidée sur le taux directeur durant la même période.

À l’issue de cette réunion, le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, a reconnu explicitement que la transmission n’était pas intégrale. Il a rappelé que lors de la phase de relèvement des taux, il avait personnellement demandé aux banques de ne pas répercuter intégralement la hausse sur la clientèle.

À l’époque, la Banque centrale avait insisté sur une approche fondée sur l’analyse des risques, appelant les établissements bancaires à apprécier les dossiers au cas par cas. Cette orientation avait été imposée dans un contexte de tendance haussière des taux d’intérêt.

Aujourd’hui, la situation s’inverse avec la phase de baisse du taux directeur, mais la répercussion sur les taux débiteurs reste incomplète. Pour le gouverneur de BAM, ce décalage s’explique par plusieurs facteurs, à la fois conjoncturels et structurels.

Trois facteurs avancés par Jouahri

Le patron de la Banque centrale identifie d’abord un retard dans la réaction des banques, qui ne répercutent pas immédiatement les baisses décidées par la BAM. Ce décalage temporel constitue, selon lui, une première explication à la transmission partielle observée.

La deuxième raison tient à une spécificité du marché marocain du crédit. La part des contrats à taux fixe y est très élevée, atteignant 85%. Dans ce cas, la baisse des taux ne peut être appliquée qu’à l’échéance du contrat, moment où une renégociation devient possible.

Le wali souligne que cette structure limite mécaniquement la rapidité de transmission des décisions de politique monétaire, indépendamment de la volonté immédiate des banques.

Le troisième facteur évoqué concerne la concentration des crédits au sein du système bancaire. Une vingtaine d’entreprises concentrent une part importante des financements, un phénomène qualifié de structurel par le gouverneur, sur lequel les autorités travaillent actuellement.

Cette problématique de concentration figure d’ailleurs parmi les motivations du lancement de la Charte relative au financement et à l’accompagnement des très petites entreprises (TPE). Signée le 4 décembre 2025 à Rabat par l’ensemble des parties prenantes institutionnelles et professionnelles concernées, cette charte vise à faciliter l’accès des TPE au financement, dans le cadre de la Stratégie nationale d’inclusion financière.

Dans cette perspective, Abdellatif Jouahri a annoncé qu’il abordera la question du retard de transmission des baisses de taux lors de la réunion prévue avec le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) le 8 janvier 2026.

Par Lahcen Oudoud
Le 17/12/2025 à 12h43