La crise sanitaire et le confinement ont montré la nécessité de raccourcir les chaînes d’approvisionnement. Le Maroc est bien placé pour saisir les opportunités qui se dessinent dans la nouvelle cartographie logistique à l’échelle régionale. Dans le sillage de ces mutations, des voix s’élèvent pour appeler à la mise en place d’une ligne maritime directe entre le Maroc et Marseille.
«Algésiras est la seule porte d’entrée des camions marocains. D’un point de vue stratégique, cela représente un danger pour l’export, surtout que les produits agricoles marocains sont en concurrence directe avec les produits espagnols», note Abdelaziz Mantrach, président de l'Association professionnelle des agents maritimes, consignataires de navires et courtiers d'affrètement du Maroc (APRAM). C’était lors d’un webinaire organisé en fin de semaine dernière, consacré à la coopération des places portuaires marseillaises et marocaines avant et après le Covid-19.
«La diversification des dessertes est un élément clé de compétitivité. Pour qu’une ligne maritime soit compétitive, il faut au moins deux navires dotés d’une vitesse suffisante à même d’assurer une fréquence de 4 départs par semaine», a-t-il ajouté.
Pourtant, des deux côtés de la Méditerranée, le besoin d’une desserte maritime se fait de plus en plus sentir. «Nous avons deux agences au Maroc. Nous cherchons à améliorer notre trafic de produits frais», confirme Patricia Messaoudi Bardet, responsable relations publiques chez Vectorys, une multinationale spécialisée dans le transport et la logistique en Afrique du Nord.
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Cela dit, une ligne maritime entre le Maroc et Marseille n’est pas une fin en soi. «Algésiras est juste un port de passage. Essayer de reproduire le même modèle à Marseille pour drainer plus de camions, ce n’est pas la bonne option», tempère Ahmed Benhaddou, directeur général de Maroc Fruits Board. Ce dernier insiste plutôt sur la connectivité des ports marocains et sur la nécessité d’avoir une offre de services logistiques portuaires développés, en termes d’infrastructures de stockage, de livraison, d’étiquetage, etc.
«Nous pouvons faire de Marseille une place intermodale, une passerelle pour arroser une partie du sud de la France, une partie du Benelux, du sud de l’Allemagne», renchérit Peter Verheijen, directeur central adjoint des lignes maritimes CMA-CGM. Et d’ajouter: «si on veut inciter les camions à choisir la voie maritime, il faut considérer trois axes: la fréquence, la durée et le coût. CMA-CGM n’hésitera pas proposer des services à valeur ajoutée, (financer le fonds de roulement des exportateurs, géolocalisation du parc de camions, température dirigée des conteneurs, etc.)».
Jalal Benhayoun, DG de Portnet, invite à faire un effort de communication auprès des opérateurs économiques, incitant à raisonner à long terme et surtout à éviter le calcul de logisticien, au jour J, sans tenir compte de la gestion du risque lié à une éventuelle coupure de routes. «Quand la crise du Covid-19 a commencé, beaucoup d’opérateurs ont commencé à s’interroger sur les possibilités de changement de routes logistiques. Ils n’ont jamais imaginé se retrouver face à une rupture de routes. D’où l’importance de faire preuve d’agilité et de diversifier les circuits logistiques», poursuit le patron du guichet unique du commerce extérieur marocain.
Pour mener à bien le projet de cette desserte maritime, Abdelaziz Mantrach plaide pour une intégration des systèmes communautaires entre les ports du Maroc et celui de Marseille. Il appelle à une reconnaissance mutuelle des documents et des procédures validées de part et d’autre (certificats d’origine, certificats sanitaires, scans, etc), en capitalisant sur les liens de coopération entretenus entre le guichet unique marocain Portnet et son équivalent marseillais MGI.
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«Le Maroc a créé sa communauté portuaire. Nous l’avons créé nous aussi à Marseille. Mais il manque encore cette fusion de communautés, à la hauteur notre histoire commune et des échanges institutionnels et politiques qui nous relient», a affirmé de son côté, Jean-François Suhas, président du Conseil de développement au grand port maritime de Marseille.
Dominique Lebreton, directeur projets, audit et commercialisation chez MGI, souhaite aboutir à une plateforme commune de données entre le port de Marseille et les ports du Maroc. Pour y arriver, dit-il, «il faut se mettre autour de la table et réunir toutes les parties prenantes, douanes, autorités phytosanitaires, etc.».
«Ce n’est pas uniquement une question de technologie et de moyens. Nous pouvons développer une coopération multifacettes avec le port de Marseille. Le programme smartport, le segment des croisières, les énergies renouvelables sont autant de sujets de coopération», précise Tarik Maaouni, directeur de l’organisation et des systèmes d’information à l’Agence nationale des ports (ANP).
«Il est temps d’accélérer le travail entamé entre Portnet et MGI pour améliorer la compétitivité et renforcer la résilience face aux crises comme celle que nous vivons aujourd’hui», conclut Jalal Benhayoun.