Conseil de Bank Al-Maghrib: taux directeur inchangé, une croissance de 4,7% attendue en 2021

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Suite à sa réunion ce mardi 15 décembre, le Conseil de Bank Al-Maghrib a décidé de maintenir inchangé le taux directeur à son niveau actuel, soit 1,5%. Les détails.

Le 15/12/2020 à 13h25

Nous reproduisons ci-après l'analyse complète de la situation économique nationale, faite par les membres du Conseil de Bank Al-Maghrib.

"Lors de cette session, il a analysé l’évolution de la conjoncture aussi bien internationale que nationale et les projections macroéconomiques à moyen terme de la banque actualisées sur la base des dernières données disponibles, des développements récents liés à l’évolution de la pandémie et à la réponse des autorités, ainsi que des orientations de la loi de Finances de 2021.

Le Conseil s’est également enquis de la transmission des dernières décisions de politique monétaire et du bilan actualisé des différentes mesures de soutien et de relance mises en place depuis le début de la pandémie.

Sur la base de l’ensemble de ces évaluations, le Conseil a estimé que l’orientation de la politique monétaire reste largement accommodante assurant un financement adéquat de l’économie et a jugé en particulier que le niveau actuel du taux directeur demeure approprié, le maintenant ainsi inchangé à 1,5%.

Le Conseil a noté qu’après s’être affaiblie au deuxième trimestre, l’inflation a connu une nette accélération à partir du mois d’août, tirée principalement par l’augmentation des prix des produits alimentaires à des prix volatils. Elle devrait toutefois terminer l’année avec une moyenne de 0,7% et rester quasi stable en 2021 avant d’atteindre 1,3% en 2022, en lien notamment avec l’amélioration prévue de la demande intérieure.

Au niveau national, les données du HCP relatives aux deux derniers trimestres illustrent l’ampleur du double choc subi par l’économie nationale à cause de la pandémie et des conditions climatiques défavorables ayant marqué la précédente campagne agricole. En effet, le PIB s’est contracté au deuxième trimestre de 14,9% en glissement annuel, reflétant des baisses de la valeur ajoutée de 15,5% pour les activités non agricoles et de 6,9% pour le secteur agricole. Sur le marché du travail, une perte nette de 581.000 emplois a été enregistrée au troisième trimestre par rapport au même trimestre de 2019. Tenant compte d’une sortie nette de 214.000 demandeurs d’emploi, le taux d’activité a reculé de 44,9% à 43,5% et le taux de chômage s’est aggravé de 9,4% à 12,7%.

Après cette forte baisse de l’activité au deuxième trimestre, la reprise post-déconfinement reste lente et partielle en lien notamment avec les restrictions locales et sectorielles instaurées pour endiguer la recrudescence des contaminations ainsi que les incertitudes entourant l’évolution de la pandémie aux niveaux national et international. Ainsi, pour l’ensemble de l’année 2020, l’économie nationale accuserait une contraction de 6,6%, avec un repli de 5,3% de la valeur ajoutée agricole et de 6,6% de celle non agricole. A moyen terme, à la faveur principalement de l’amélioration des revenus des ménages et des mesures visant le soutien de l’investissement, la croissance des activités non agricoles devrait atteindre 3,3% en 2021 et se consolider à 3,6% en 2022.

Pour sa part, et sous l’hypothèse de récoltes céréalières annuelles de 75 millions de quintaux, la valeur ajoutée agricole progresserait de 13,8% en 2021 et de 2% en 2022. Au total, les prévisions de Bank Al-Maghrib tablent sur un rebond de la croissance à 4,7% en 2021 et sur une consolidation à 3,5% en 2022. Ce scénario reste entouré d’un degré élevé d’incertitudes, mais les développements récents dont essentiellement l’initiative de la vaccination anti-Covid-19 à grande échelle au niveau national, mais également dans plusieurs pays partenaires, ainsi que la mise en place d’un fonds stratégique dédié à l’investissement suggèrent que la balance des risques serait orientée à la hausse.

Pour ce qui est des comptes extérieurs, les données à fin octobre montrent un repli quasi généralisé des échanges de biens. Les exportations ressortent en recul de 10,1%, tirées notamment par des baisses des ventes du secteur automobile et du textile, et les importations de 16,6%, en lien particulièrement avec la contraction des achats de biens d’équipement, des produits finis de consommation ainsi que de la facture énergétique.Pour les principales autres opérations courantes, les recettes de voyage ont accusé une chute de 60,3% alors que les transferts des MRE affichent une résilience notable avec une augmentation de 1,7%. Tenant compte de ces évolutions, le déficit du compte courant ressortirait quasi stable à 4,2% du PIB en 2020. Sur l’horizon des prévisions, la reprise des exportations observée récemment devrait se consolider, portée notamment par les ventes du secteur automobile suite à la montée en production annoncée par l’usine PSA. En parallèle, le rythme des importations s’accélérerait, avec une progression des achats de biens d’équipement et un alourdissement de la facture énergétique suite à la hausse prévue des cours internationaux du pétrole.

Niveau confortable des réserves de devises

Les recettes de voyage connaitraient une reprise graduelle tout en restant à un niveau inférieur à celui de 78,8 milliards de dirhams observé en 2019. Elles passeraient ainsi de 29 milliards en 2020 à 49,9 milliards en 2021 puis à 72 milliards en 2022. Pour les transferts des MRE, après une quasi-stabilité à 65,8 milliards de dirhams en 2020, ils se raffermiraient à 70 milliards puis à 71,4 milliards. Dans ces conditions, le déficit du compte courant s’allégerait à 3,3% du PIB en 2021 et s’établirait à 3,9% en 2022. Pour ce qui est des opérations financières, après une régression à l’équivalent de 2,3% du PIB cette année, les entrées d’IDE devraient reprendre leur dynamique pour atteindre un volume correspondant à 3,1% du PIB annuellement.

Au total, et tenant compte notamment des émissions réalisées par le Trésor sur le marché international cette année et de celles prévues en 2021 et en 2022, les avoirs officiels de réserve se situeraient à 321,9 milliards à fin 2020 et évolueraient autour de ce niveau au cours des deux prochaines années, assurant ainsi une couverture d’un peu plus de 7 mois d’importations de biens et services.

Concernant les conditions monétaires, elles restent marquées par la poursuite du recul des taux débiteurs consécutivement aux réductions du taux directeur opérées en mars et en juin derniers. Le taux débiteur moyen global a enregistré ainsi une baisse trimestrielle de 28 points de base à 4,30% au troisième trimestre, une évolution qui a profité aussi bien aux ménages qu’aux entreprises notamment les TPME. Pour ce qui est du crédit bancaire, en dépit de la forte contraction de l’activité économique, il maintiendrait un rythme soutenu, favorisé par les mesures budgétaire et monétaire, avec une progression de sa composante destinée au secteur non financier de 4,3% cette année et en 2021 et de 4,5% en 2022. S’agissant du taux de change effectif réel, il ressortirait en appréciation de 0,4% cette année. En 2021, sous l’effet d’une baisse de 0,9% de la valeur du dirham en termes nominaux et d’un niveau d’inflation domestique inférieur à celui des pays partenaires et concurrents commerciaux, il se déprécierait de 1,2%, et devrait se stabiliser en 2022.

Sur le volet des finances publiques, l’exécution budgétaire au titre des onze premiers mois s’est soldée par un déficit hors privatisation de 59,2 milliards de dirhams, en creusement de 14,2 milliards par rapport à la même période de 2019 et ce, compte tenu du solde positif de 8,3 milliards du Fonds spécial de gestion de la pandémie de la Covid-19. Les dépenses globales ont augmenté de 1,9%, reflétant essentiellement l’alourdissement de celles au titre des autres biens et services et de la masse salariale. En regard, les recettes ordinaires hors privatisation ont diminué de 6,3%, résultat principalement d’un repli de 7,6% des rentrées fiscales. Sur l’ensemble de l’année, le déficit budgétaire hors privatisation se situerait, selon les projections de Bank Al-Maghrib, à 7,7% du PIB. A moyen terme, tenant compte notamment des données de la loi de finances de 2021 et sous l’hypothèse de la poursuite de la mobilisation des financements spécifiques, la consolidation budgétaire devrait reprendre graduellement et le déficit hors privatisation reculerait à 6,5% du PIB en 2021 et à 6,4% en 2022. En revanche, la dette directe du Trésor devrait connaitre une hausse de 11 points de PIB à 76% au terme de cette année et atteindre 79,3% du PIB à fin 2022".

Par Ayoub Khattabi
Le 15/12/2020 à 13h25