Amplifiée par le départ en juillet de son binôme Fayçal Mekouar, la démission surprise de Salaheddine Mezouar, dimanche dernier, a mis la CGEM devant une situation institutionnelle inédite, n’ayant été prévue ni par ses statuts, ni par le règlement intérieur de la confédération patronale.
A l’heure où nous mettions en ligne, le flou reste entier, notamment à propos de la date du prochain conseil d’administration (C.A). Les membres de la CGEM ne savent pas encore si la réunion du C.A, prévue ce mercredi 16 octobre, convoquée par Mezouar quelque jours avant sa démission, sera maintenue ou non. Même si elle le sera, se posera alors une série de questions d’ordre juridique auxquelles les statuts n’apportent aucune réponse claire et précise.
Quelle légitimité donner aux décisions arrêtées par un C.A convoqué par un président démissionnaire? Quels sont les administrateurs habilités à y assister? Le mandat des membres désignés ne doit-il pas cesser, suite au départ du président? Qui va présider le prochain C.A? Et, enfin, cette question à un million de dollars: qui va assurer l’intérim jusqu’à l’arrivée d’un nouveau binôme présidentiel?
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Selon nos informations, une vingtaine d’administrateurs auraient décidé d’activer l’article 24.1 des statuts lequel autorise le cinquième des membres du conseil d’administration à convoquer un C.A, en cas d’urgence, ou en cas d’indisponibilité du président. Une démarche avant tout motivée par la volonté de reporter la réunion du C.A jusqu’au 24 octobre prochain.
De leur côté, les 7 vice-présidents composant le bureau de la CGEM s’évertuent à trouver une issue à cette situation de blocage imposée par les dispositions statutaires. Une première réunion de crise a eu lieu, dimanche soir, quelques heures après l’annonce de la démission de Mezouar. Y ont également pris part Jaouad Hamri, président de la commission «Ethique et bonne gouvernance» et Safia Fassi-Fihri, présidente de la commission «Juridique, modes alternatifs et veille législative».
Les présidents de ces deux commissions permanentes ont été invités à réfléchir et à proposer une solution qui respecte la légalité et la légitimité, nous confie un membre du bureau de la CGEM. «Les membres de la CGEM sauront trouver la solution la plus adéquate et la plus adaptée, sans tomber dans les calculs claniques ou dans le piège de ceux qui cherchent à s’insérer dans les brèches juridiques ou autres», poursuit-il sur un ton optimiste.
Désormais, moins de 24 heures après la démission de Mezouar, deux courants se sont formés au sein du C.A, chacun prétendant avoir une solution toute prête. D’un côté, ceux qui privilégient la voie du consensus autour d’un binôme qui présidera aux destinées de la CGEM jusqu’à la fin du mandat électif actuel, soit jusqu’à mai 2021. L’un des arguments avancés par les défenseurs de cette option étant le fait qu’elle permettra d’éviter la lourdeur du processus électoral et que la désignation du binôme pourrait être entérinée par une assemblée générale extraordinaire.
A contrario, d’autres administrateurs tiennent à assurer un strict respect des statuts, qui, en supposant avoir tranché à propos de la question du mode de convocation du prochain C.A, donnent à ce dernier les pleins pouvoirs de nommer un président par intérim, en attendant l’élection d’un nouveau binôme via une assemblée générale élective et ce, dans un délai maximum de trois mois. Certains patrons vont jusqu’à demander l’intervention du conseil des sages (composé d’anciens présidents de la CGEM) pour imposer le respect des statuts de la confédération.
Aucun consensus n’a pu émerger jusqu’ici concernant la succession de Salaheddine Mezouar. En attendant, il y a déjà beaucoup de spéculations. «Les agissements qu’on voit ici et là, obéissant pour la plupart à des calculs étroits sont à la limite improductifs et ne cherchent pas toujours l’intérêt général», estime ce membre du conseil des sages. Les enjeux, dit-il, sont de taille et vont au-delà des personnes. Surtout après le dernier discours royal (à l’ouverture de la session d’automne du Parlement) appelant le secteur privé à prendre ses responsabilités. «La CGEM est une institution forte qui a construit sa réputation tout au long de ses 70 ans d’existence. Ce n’est pas la démission de Mezouar, qui est d’ailleurs regrettable, qui doit l’affaiblir», conclut cet ancien patron des patrons.