Le calendrier ne laisse plus de marge. Au 8 décembre 2025, la filière des voyages, maillon essentiel de la distribution touristique, se retrouve pénalisée. Un quota restreint de billets-groupes pour la CAN n’a pas été attribué, malgré les engagements pris à l’automne par les instances en charge du tourisme et du football. Pour un secteur qui a besoin d’un marketing prévisionnel, le manque de coordination risque de réduire les bénéfices économiques du tournoi, surtout les matchs hors Maroc, estime un opérateur basé à Casablanca.
Le sentiment de décalage entre attentes et réalité est partagé par l’ensemble de la profession. Deux mois plus tôt, une réunion organisée à Casablanca avait pourtant posé les bases d’une collaboration structurée. Les agences avaient reçu l’assurance qu’un volume de billets leur serait réservé, à condition de transmettre leurs besoins en amont, explique notre interlocuteur.
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Pour Mohamed Semlali, président de la Fédération nationale des agences de voyages du Maroc (FNAVM), l’absence de mise en œuvre de ces engagements place aujourd’hui le secteur dans une «zone d’ombre» alors même que la demande pour des packages combinant hébergement, transferts et accès aux matchs s’accélère à l’approche du tournoi.
Il rappelle que cette réunion, tenue avec l’Office national marocain du tourisme et la Fédération royale marocaine de football, devait être l’occasion de présenter le déroulé opérationnel de la compétition et de mobiliser l’ensemble des professionnels. Les agences, directement sollicitées, avaient été invitées à préparer des offres destinées à accueillir les supporters africains et les visiteurs internationaux.
Selon Mohamed Semlali, les responsables présents avaient assuré que des billets seraient spécialement alloués au réseau des agences de voyages, à condition que celles-ci communiquent leurs demandes suffisamment tôt pour permettre une répartition anticipée.
Rien de ce qui avait été annoncé n’a pourtant été concrétisé. Mohamed Semlali confie que malgré les démarches répétées auprès des instances concernées, aucune allocation n’a été transmise et aucune clarification n’a été fournie. Les seules réponses obtenues consistent à demander au secteur «d’attendre», alors que le temps nécessaire à la commercialisation est désormais largement entamé.
Cette situation, poursuit-il, prive les agences de la possibilité de répondre à une demande pourtant réelle. De nombreux clients, marocains et étrangers, avaient sollicité des packages incluant des billets, mais aucun de ces dossiers n’a pu être confirmé faute de tickets disponibles.
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C’est également le constat dressé par un deuxième opérateur casablancais. Il rappelle qu’en juillet dernier, plusieurs agences avaient été accompagnées par l’Office national marocain du tourisme lors de tournées organisées en Italie, en Espagne, en France et en Allemagne. Ces opérations visaient essentiellement la diaspora africaine, considérée comme l’un des segments les plus susceptibles de se déplacer pour suivre la compétition. À leur retour au Maroc, les participants avaient été conviés à un séminaire de travail à Casablanca, en présence de la Fédération nationale de l’hôtellerie, afin de préciser les modalités de commercialisation.
L’opérateur assure qu’au cours de cette séance, il a été explicitement demandé si un stock de billets (pour les matchs du Maroc comme pour les autres rencontres) serait mis à la disposition des agences en concession, afin de pouvoir programmer des packs et les commercialiser avec un délai de paiement.
La réponse reçue a surpris l’ensemble des participants. On leur a annoncé que le Maroc était déjà «sold-out». Il explique qu’on leur a proposé, en alternative, des billets pour des sélections africaines, une solution jugée déconnectée des besoins du marché local. «Nous avons insisté, raconte-t-il. Il faut au minimum nous permettre de vendre les matchs du Maroc. Nous avons même proposé de prendre 25.000 billets, avec la possibilité pour l’organisateur de récupérer les invendus. Rien n’a été retenu.»
Un blocage qui pénalise toute une profession
Selon notre interlocuteur, ce blocage pénalise directement une profession qui avait pourtant anticipé l’effort commercial nécessaire à la réussite de la CAN. «Nous étions prêts à recruter du personnel supplémentaire. Encore fallait-il pouvoir y intégrer le billet des matchs, sans quoi aucun package n’est viable», déplore-t-il.
Cette situation traduit une mise à l’écart injustifiée d’un maillon essentiel de la chaîne touristique, au moment même où l’industrie du voyage s’efforçait de se préparer à accueillir un afflux exceptionnel de visiteurs, constate cet opérateur.
Elle intervient dans une industrie dont la contribution à l’économie nationale comme internationale ne cesse de s’affirmer. Le tourisme, en 2025, suit une trajectoire de croissance soutenue et pourrait, d’ici la fin décembre, approcher voire dépasser le seuil de 20 millions de visiteurs.
Les premières arrivées en provenance d’Afrique et d’Europe commencent déjà à se faire sentir à l’approche de la CAN 2025, tandis que le système d’achat mis en place par la CAF poursuit sa montée en charge. Ce contexte aurait dû renforcer la dynamique de l’ensemble de la filière, il met au contraire en évidence les limites d’un dispositif de distribution qui peine encore à accompagner l’ampleur de la demande. «Un éclaircissement de la CAF serait le bienvenu», conclut notre interlocuteur.







