Le secteur bancaire marocain poursuit sa phase de recomposition, marquée par le retrait progressif de groupes étrangers au profit d’acteurs nationaux. Après l’acquisition de la filiale marocaine de Société générale par le groupe Saham de Moulay Hafid Elalamy, une nouvelle opération majeure se profile avec l’ouverture de discussions exclusives entre BNP Paribas et le groupe Holmarcom en vue de la cession de la Banque marocaine pour le commerce et l’industrie (BMCI). L’annonce, faite le 12 décembre, confirme l’intérêt de la famille Bensalah pour la reprise des 67% détenus par la banque française dans sa filiale marocaine, rappelle le magazine Jeune Afrique dans une analyse dédiée.
Dirigé par Mohamed Hassan Bensalah, Holmarcom est déjà solidement implanté dans la finance, l’assurance, l’agro-industrie, la logistique et l’immobilier. S’il venait à finaliser cette opération, le groupe pourrait donner naissance à un nouvel ensemble bancaire de premier plan. En agrégeant les activités de BMCI et de Crédit du Maroc, dont Holmarcom détient déjà plus de 65%, le futur ensemble se positionnerait comme le quatrième acteur du secteur en termes de produit net bancaire, avec environ 7,1 milliards de dirhams, devant Saham Bank, écrit Jeune Afrique.
Le scénario d’une fusion entre BMCI et Crédit du Maroc apparaît comme le plus probable, même si la réglementation bancaire ne l’impose pas formellement. Une telle opération se ferait vraisemblablement sur une période transitoire, sous la supervision de Bank Al-Maghrib. Le maintien de deux entités distinctes resterait toutefois possible. Dans ce cas, le régulateur serait confronté à une situation inédite, avec un même actionnaire majoritaire à la tête de deux banques cotées. Les deux établissements occupent actuellement les sixième et septième rangs du marché en termes de produit net bancaire. Les parties concernées indiquent pour l’heure que les discussions en sont à un stade préliminaire.
Sur le plan réglementaire, Bank Al-Maghrib ne serait pas tenue d’imposer un plafonnement de la participation de Holmarcom dans l’un ou l’autre établissement, comme l’a montré le précédent du rachat de Société générale Maroc, souligne le magazine. Le régulateur privilégie une analyse approfondie de la solidité financière, de la gouvernance et de la capacité du nouvel actionnaire à respecter les exigences prudentielles, plutôt que l’instauration de contraintes a priori.
Les enjeux prudentiels et concurrentiels restent néanmoins importants. Dans le cas d’une fusion, la question du classement de la nouvelle entité comme banque d’importance systémique se poserait. Un tel statut impliquerait le respect de critères renforcés, notamment dans le cadre du processus de supervision Srep récemment mis en place. Les banques systémiques doivent désormais afficher un ratio de fonds propres de base de 11 %, contre 9 % auparavant. Si BMCE et Crédit du Maroc respectaient déjà ces exigences en 2024, l’impact des coûts d’intégration sur les ratios financiers du nouvel ensemble reste à évaluer.
Dans un autre cas de figure, si BMCI et Crédit du Maroc en venaient à rester indépendants, le Conseil de la concurrence examinerait alors les éventuels effets de concentration. En volume de dépôts, l’ensemble resterait nettement en retrait par rapport aux deux leaders du marché. Toutefois, d’un point de vue qualitatif, Holmarcom disposerait d’une présence renforcée sur plusieurs segments complémentaires. Crédit du Maroc est historiquement positionné sur la banque de détail et le financement du secteur agricole, tandis que BMCI est davantage orientée vers la bancassurance et la banque d’affaires. Cette configuration pourrait notamment offrir à AtlantaSanad Assurance, filiale du groupe Holmarcom, un accès élargi au réseau de BMCI.
Le montant de la transaction constitue une autre variable clé, a-t-on pu lire dans Jeune Afrique. Sur la base du ratio cours sur valeur comptable et en comparaison avec les opérations récentes du secteur, la valeur de la participation cédée par BNP Paribas est estimée à environ 5 milliards de dirhams, soit près de 464 millions d’euros. À titre de comparaison, Holmarcom avait acquis Crédit du Maroc pour environ 4 milliards de dirhams, tandis que Saham avait déboursé près de 745 millions d’euros pour la filiale marocaine de Société générale.
Si la cession aboutit, les groupes bancaires français n’exerceraient plus d’activité de banque universelle au Maroc. BNP Paribas conserverait néanmoins une présence à travers des activités spécialisées, notamment via Arval dans la location longue durée et la gestion de flottes. La banque française ne détiendrait alors plus qu’une seule filiale bancaire en Algérie, tout en restant présente dans certains pays d’Afrique australe.
Ce désengagement s’inscrit dans une stratégie plus large de recentrage menée par plusieurs établissements français. Confrontés à des exigences prudentielles internationales de plus en plus strictes et à des coûts de conformité élevés, notamment en matière de lutte contre le blanchiment et de connaissance du client, ces groupes ont réduit leur exposition en Afrique. BMCI ne représentait en 2024 qu’une part marginale des revenus et du résultat net de BNP Paribas, avec une rentabilité inférieure à la moyenne des autres filiales du groupe. Dans le même temps, la montée en puissance des banques régionales, en particulier marocaines, a progressivement réduit l’avantage compétitif des acteurs européens sur ces marchés.








