Banques participatives: les limites d’un modèle

Banques participatives.

Revue de presseConfrontées à un écart croissant entre crédits accordés et dépôts collectés, les banques participatives marocaines voient leur modèle économique mis à rude épreuve. Entre produits d’épargne peu attractifs, absence de leviers de refinancement et déficit de pédagogie, la viabilité à long terme est sujette à caution. Cet article est une revue de presse tirée de Challenge.

Le 29/07/2025 à 18h57

Huit ans après leur lancement officiel, les banques participatives marocaines se retrouvent face à un défi de taille: un fossé grandissant entre les crédits accordés et les dépôts collectés.

Alors que les financements participatifs dépassent désormais les 35 milliards de dirhams, les dépôts stagnent autour de 12 milliards, exposant un déséquilibre qui menace la soutenabilité de ce modèle encore jeune, indique le magazine Challenge dans une analyse dédiée.

Nées en 2017 pour offrir aux Marocains une alternative conforme aux principes de la finance islamique, les banques participatives ont misé dès le départ sur des produits phares, notamment la mourabaha, prisée dans le secteur immobilier. Mais cette stratégie de croissance rapide semble aujourd’hui atteindre ses limites.

«Pour s’imposer rapidement sur le marché, ces banques ont privilégié les financements à marge fixe, générateurs de revenus immédiats, au détriment d’une stratégie équilibrée entre collecte d’épargne et octroi de crédits», estime Mohammed Jadri, économiste et directeur de l’Observatoire de l’Action Gouvernementale, cité par Challenge.

En parallèle, l’offre d’épargne halal est restée limitée et souvent mal comprise du grand public. Les comptes d’investissement de type moudaraba ou wakala, pourtant essentiels au modèle participatif, peinent à séduire. «Ces produits sont rarement promus et demeurent peu attractifs pour une clientèle qui attend des solutions claires, rentables et simples», souligne Mohammed Jadri.

À cette faiblesse structurelle s’ajoute l’absence de leviers de refinancement adaptés à la charia. Contrairement aux banques conventionnelles, les banques participatives ne disposent ni d’un véritable marché interbancaire islamique ni d’émissions régulières de sukuk souverains qui leur permettraient de mieux gérer leur trésorerie. Certains établissements sont ainsi contraints de recourir à leur maison-mère, souvent une banque classique, pour boucler leur financement, ce qui fragilise leur autonomie stratégique.

Cette fragilité pèse également sur leur compétitivité face aux acteurs traditionnels, solidement implantés et dotés de solutions de refinancement diversifiées, écrit Challenge. «Le coût de fonctionnement d’une banque participative est structurellement plus élevé, notamment en raison des obligations de conformité religieuse et juridique. Or, leur capacité à générer des revenus stables reste limitée, faute de produits diversifiés et d’une base de clients élargie», détaille L’économiste.

Le défi est d’autant plus grand que ces établissements doivent convaincre une clientèle exigeante, en quête de produits véritablement éthiques et transparents. «Une partie des Marocains doute encore de la réelle conformité à la charia de certains produits. Beaucoup craignent qu’il ne s’agisse que d’offres conventionnelles déguisées», constate Jadri.

Face à ces faiblesses, le secteur n’a d’autre choix que de se réinventer. Pour l’expert, plusieurs leviers sont à activer d’urgence. «Il faut d’abord diversifier et rendre plus attractifs les produits d’épargne halal: comptes d’investissement mieux rémunérés, plans d’épargne à long terme, produits verts ou solidaires susceptibles de séduire les jeunes actifs et les classes moyennes», préconise-t-il.

Le développement de sukuk souverains et la mise en place d’un marché interbancaire participatif figurent également parmi les priorités pour soulager les tensions sur la liquidité. Autre chantier majeur: la pédagogie. «Un effort massif de vulgarisation est indispensable pour démystifier la finance participative. Le grand public doit comprendre concrètement en quoi elle peut répondre à ses valeurs tout en servant l’économie réelle», insiste Jadri.

Malgré ces fragilités, l’économiste reste optimiste quant à l’avenir de la finance participative au Maroc. «Une part importante de la population reste encore non bancarisée. Beaucoup cherchent une alternative plus éthique à la finance conventionnelle. Le potentiel est là, à condition d’aller au-delà de la mourabaha pour retrouver les principes fondateurs: partage des risques, solidarité, financement productif et inclusion financière», affirme-t-il.

Pour lui, le modèle est viable, mais il doit évoluer. Si le Maroc veut faire de la finance participative un véritable levier de croissance et d’inclusion, il doit lui donner les moyens de tenir ses promesses économiques, sociales et spirituelles, conclut Mohammed Jadri.

Par La Rédaction
Le 29/07/2025 à 18h57