Cela fera bientôt sept ans que le Maroc attend une réponse de la part de la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à laquelle il veut adhérer. Le 24 février 2017, le Royaume a déposé une demande d’adhésion. Bien qu’il ait eu un accord de principe, annoncé en 2018, qui fut salué avec enthousiasme lors de son annonce, la réponse semble tarder au point qu’on croit de plus en plus que le sujet n’est plus à l’ordre du jour, relève le quotidien L’Opinion dans son édition du 11 janvier.
«Nous pensons que l’arrivée du Maroc doit être suffisamment étudiée pour déboucher sur un partenariat réciproquement bénéfique. En attendant, les milieux d’affaires de tous les pays de la communauté doivent se préparer à leur tour», lâche un diplomate d’un Etat ouest-africain cité par le quotidien. La compétitivité est l’un des arguments qui ressortent le plus sur la liste des réserves. On craint les décalages entre l’économie marocaine et celles d’une partie importante des pays de la région, qui pourraient, dans l’hypothèse d’un marché unique, aboutir à des déséquilibres commerciaux à leur désavantage.
«Les projecteurs sont braqués sur la balance commerciale qui reste excédentaire en faveur du Maroc. En plus, le fait que le Royaume soit signataire de plusieurs accords de libre-échange pousse les Etats membres à revoir leurs cartes. Mais l’étude d’impact réalisée en 2017 dit clairement que l’adhésion du Maroc pourrait potentiellement renforcer le commerce au sein de la CEDEAo», écrit L’Opinion.
L’arrivée du Maroc est jugée bénéfique dans certains secteurs, tels que l’agriculture, dans lesquels les pays de la communauté peuvent bénéficier plus des produits du Royaume grâce au démantèlement des tarifs. Aussi, la capacité d’investissement du Maroc par ses champions nationaux dans plusieurs secteurs, tels que la banque, l’assurance et le transport aérien, est-elle perçue comme un facteur de réserve.
On a tort de remettre en question la demande du Maroc, pense Cheikh Tidiane Gadio, ex-ministre des Affaires étrangères du Sénégal. «On ne peut pas reprocher au Maroc ses succès en Afrique et son volontarisme économique. A nous de faire de même et pourquoi pas aller vers le marché marocain, rien ne nous empêche de le faire», explique-t-il au quotidien ajoutant que cette façon de voir les choses signifie qu’on cherche toujours le problème au lieu de voir les opportunités.
Mouhamed Koudo, ex-diplomate au Parlement de la CEDEAO, lui, explique que «le retard est dû à la complexité inhérente à l’intégration d’un pays dans une organisation régionale». En effet, la convergence des politiques économiques et la libre circulation des biens et des personnes demeurent complexes à examiner tant les défis sont nombreux. Sur ce point, le Maroc respecte tous les critères de convergence, selon l’étude d’impact. Mais la question de la monnaie unique pose quelques difficultés sur le plan technique, sachant que même la CEDEAO n’a pas encore tranché la question du passage vers la nouvelle monnaie «eco». Le sort du dirham et la cohabitation avec la monnaie commune posent aussi une sérieuse équation.
L’adhésion du Royaume au bloc ouest-africain entraînerait également des défis géopolitiques. Dans une note publiée par l’Institut Amadeus, Boussou Cissé, ministre de l’Economie et des Finances du Bénin, voit que des pays comme le Nigeria craignent pour leur leadership économique régional. Force est de constater que les milieux d’affaires de ce pays se sont déclarés défavorables à l’arrivée du Maroc.