C'est avec "Nomadland", un road-movie semi-fictionnel, que l'artiste de 39 ans a conquis le jury des Oscars. Déjà primé à de multiples reprises dans le monde et grand favori de cette saison des prix à Hollywood, "Nomadland" suit une communauté d'Américains âgés vivant dans des camionnettes, laissés pour compte par la crise économique et qui se forgent tant bien que mal une nouvelle vie dans l'Ouest américain.
Avant elle, seule une femme avait remporté le trophée du meilleur long-métrage: Kathryn Bigelow pour "Démineurs". Chloé Zhao a suivi les traces de sa devancière, décrochant, comme elle, l'Oscar suprême du meilleur long-métrage dimanche.
En recevant le trophée du meilleur film, la metteuse en scène a remercié ces nomades qui n'étaient pas des acteurs professionnels et qu'elle a convaincus de jouer dans son film. "Merci de nous avoir appris le pouvoir de la résilience, de l'espoir et de nous avoir rappelé ce qu'est la vraie bonté."
Née Zhao Ting à Pékin, fille d'un riche homme d'affaires chinois, la réalisatrice a quitté la Chine alors qu'elle n'était encore qu'une adolescente, pour un pensionnat britannique puis des études supérieures à Los Angeles et à New York.
Chloé Zhao ne s'est pourtant pas prise d'affection pour ces villes démesurées, mais pour les grands espaces américains comme le Dakota du Sud ou le Nebraska, des zones isolées et peu peuplées qui ont une place de choix dans les longs plans de "Nomadland".
C'est lorsqu'elle étudiait le cinéma à New York que la jeune femme a découvert par hasard des images des terres traditionnelles des Sioux Lakota. Déracinée, et partant du principe qu'elle ne parviendrait pas à réaliser de meilleurs films sur New York que "ceux qui avaient déjà été faits", Chloé Zhao avait décidé de mettre "cap à l'ouest".
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Pour son premier long-métrage, "Les Chansons que mes frères m'ont apprises", qui met en scène un jeune homme rêvant de quitter la réserve indienne de Pine Ridge, elle a passé des mois en immersion dans cette région reculée, peu connue des Américains eux-mêmes.
Le film avait été remarqué lors de divers festivals, à Sundance ou Cannes, mais ce n'est que deux ans plus tard avec "The Rider", un autre film aux saveurs "western" tourné dans la région de Pine Ridge, que la cinéaste éclate réellement.
"A la périphérie"Dans ces deux films, Chloé Zhao met à l'écran des acteurs amateurs qui jouent une version d'eux-mêmes. Elle estime que ce processus lui était nécessaire à ses débuts, lorsqu'elle était encore inconnue et sans moyens, mais que cela lui a permis de se "construire un monde".
"The Rider" a ainsi été imaginé après que la réalisatrice eut rencontré un cow-boy qui refusait de renoncer aux rodéos malgré une grave blessure.
Dans "Nomadland", tiré d'un livre de Jessica Bruder sur des individus et des faits bien réels, la plupart des personnages interprètent leur propre rôle.
Mais Chloé Zhao y dirige également la star oscarisée Frances McDormand, qui a décroché dimanche sa troisième statuette.
Une expérience qui pourrait être utile à la réalisatrice dont le dernier projet, "Eternals", est un film de super-héros Marvel avec superstars et super-budget.
"Le saut financier entre 'The Rider' et 'Nomadland', c'est comme le saut entre 'Nomadland' et 'Eternals'", a dit Chloé Zhao à propos du film qui réunira cette année à l'écran Angelina Jolie et Salma Hayek.
L'un des clefs du succès commercial d'"Eternals" sera la Chine, où "Avengers: Endgame", l'un des précédents volets de la saga Marvel, a récolté 630 millions de dollars.
Mais les relations entre Chloé Zhao et sa patrie d'origine sont compliquées.
Les premiers succès de la réalisatrice lui avaient d'abord attiré des éloges dans son pays natal, où elle avait été qualifiée de "fierté" nationale. Mais des propos lui étant attribués dans un magazine américain datant de 2013, où elle semblait critiquer son pays d'origine, avaient ensuite refait surface.
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Elle est depuis lors la cible de critiques de certains nationalistes qui l'ont qualifiée de "traîtresse".
La réalisatrice s'est abstenue de s'exprimer sur cette controverse mais a affirmé récemment qu'elle ne se voyait pas de sitôt faire un long-métrage sur son enfance en Chine, invoquant un manque de maturité.
La cinéaste vit pour l'instant à Ojai, petite ville rurale de Californie à environ 150 km au nord-ouest de Los Angeles, fortement imprégnée de la culture hippie. Elle y vit avec son compagnon, un Britannique lui aussi cinéaste, et deux chiens.