Des organisateurs du festival légendaire d'août 1969 rêvaient pourtant d'organiser un "remake" pour le 50e anniversaire. Leurs efforts se sont avérés vains, à l'ère des détecteurs de métaux, des chiens renifleurs de bombe et des fouilles systématiques de sacs. "L'environnement d'aujourd'hui est très, très différent d'il y a 50 ans", souligne Stuart Cameron, chef de la police du comté de Suffolk, à l'est de New York, et spécialiste de la sécurité des festivals.
"On n'autoriserait pas" de nos jours un événement comparable à Woodstock, dit-il. "Il y aurait trop de risques pour la sécurité".
Les comptes-rendus de l'époque sont parfois contradictoires, mais les trois jours du festival auraient fait deux morts en 1969: l'un écrasé par un tracteur de nettoyage et un autre au moins décédé d'une overdose. Pour assurer la sécurité, les organisateurs avaient fait venir des membres d'une célèbre communauté hippie californienne - "The Hog Farm" (la ferme aux cochons).
Leurs méthodes reflétaient l'esprit du festival: certains veillaient, dans des tentes spécialement réservées, sur ceux qui avaient fait un mauvais trip à l'acide, d'autres étaient chargés de prier poliment les festivaliers de rester calmes. Pour le 50e anniversaire, Michael Lang, l'un des organisateurs du Woodstock de 1969, avait invité quelque 80 groupes ou musiciens à venir jouer, du rappeur Jay-Z à Santana, espérant recréer l'événement.
Mais impossible de trouver un paysan prêt à les accueillir sur son terrain, après que le site de Watkins Glen, à 200 km à l'ouest du site original de Bethel, au nord de New York, eut décliné. Les organisateurs se sont vu refuser l'un après l'autre les permis nécessaires, pour des raisons tenant au dispositif d'assistance médicale, à l'eau, à la nourriture ou au personnel de sécurité.
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"Tout le monde aujourd'hui est beaucoup plus sensible aux questions de sécurité et de santé," explique Stuart Cameron. "Quand les gens achètent de la nourriture à un événement, ils supposent qu'elle est bonne à consommer. Et, s'ils sont blessés, qu'il y aura une ambulance". "A l'époque, on ne supposait pas forcément tout ça". Au-delà de la sécurité sanitaire, la multiplication des fusillades et attentats ces dernières années, notamment lors de concerts, a compliqué l'organisation de ce genre de rassemblements de masse.
En octobre 2017, 58 personnes sont mortes quand un homme lourdement armé a tiré sur une foule à Las Vegas lors d'un concert de musique country. Quelques mois auparavant, 22 autres avaient péri en marge d'un concert d'Ariana Grande à Manchester, en Angleterre, dans un attentat à la bombe.
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En novembre 2015, un commando jihadiste avait tué 90 personnes qui assistaient à un concert du groupe Eagles of Death Metal dans la salle du Bataclan, à Paris. Certes, plusieurs grands festivals musicaux prospèrent - comme Coachella, Glastonbury, Primavera Sound, Bonnaroo et Lollapalooza - mais ils sont coûteux et toujours lourdement encadrés et protégés, loin de l'esprit "peace and love" de Woodstock.
"Autrefois, on s'inquiétait surtout des gens qui introduisaient alcool et drogues en douce, maintenant ce sont ceux qui apportent des armes de destruction massive pour tuer tout le monde", souligne Joseph Giacalone, détective retraité, qui travailla longtemps à sécuriser les célébrations du Nouvel An à Times Square à New York.
"C'est pas qu'il n'y avait pas de fusillades avant, mais elles étaient très espacées", poursuit-il, citant pour exemple la fusillade qui fit 14 morts à Austin, au Texas en 1966, et qui resta la plus sanglante pendant 18 ans. Et l'ex-détective de lâcher: "La société a changé au cours des 20-30 dernières années (...) Les gens qui ont vécu les années 1960 ne connaîtront plus jamais la même expérience".