Le photographe français Alexis Manchion vient de boucler une résidence d’artiste à Central 88, au cœur du marché central de Casablanca. Les travaux issus de cette résidence qui a duré un mois sont exposés actuellement au sein de l’espace culturel «Chez Marius», dans les sous-sols de l’immeuble Assayag à Casablanca.
Lauréat de l’EFET à Paris, Alexis Manchion façonne sans relâche, depuis plus de dix ans, une œuvre globale aux multiples facettes. Il en parle dans cet entretien avec Le360, réalisé en marge du vernissage de l’exposition «The Casatalogue» organisée en partenariat avec l’Institut français de Casablanca.
Le360: Comment est né le projet «The Casatalogue»?
Ce projet est né du programme de résidence d’artistes de Central 88, en plein marché central de Casablanca, où j’ai été en résidence pendant un peu plus d’un mois. La contrainte de ce projet était que nous ne devions pas sortir de cet espace. Lorsqu’on y fait une résidence, on doit l’utiliser comme décor, comme terrain de jeu ou comme terrain d’expérimentation.
Ancien commerce d’épices, Central 88 est un lieu très particulier avec une énergie et une histoire tout aussi particulières. Après, j’ai commencé à travailler sur le projet «The Casatalogue».
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«The Casatalogue» c’est quoi rééllement?
«The Casatalogue» est un projet que j’ai écrit en France avant de venir. J’avais envie de m’amuser avec les produits du quotidien des Marocains et de revisiter l’histoire de l’art avec. Donc, j’ai beaucoup interrogé des periodes, des artistes, en utilisant exclusivement les produits du marché central. Par exemple, on voit 55 moules dans l’exposition qui sont photographiées individuellement de la même façon, en référence à deux photographes allemands qui ont photographié tous les chateaux d’eau d’Espagne exactement de la même manière.
Dans vos œuvres exposées à l’immeuble Assayag, vous faites référence à Goya et au pop art...
Concernant le pop art, nous avons une référence à Andy Warhol qui est assez évidente car nous sommes vraiment sur de l’objet choisi et que je photographie de manière assez directe sur un fond légèrement coloré, mais sans que ce soit kitch, et c’est surtout au Maroc qu’on a la possibilité de faire une photographie complètement dingue.
La référence à Goya est un peu plus subtile, parce qu’en fait, dans un tableau de cet artiste espagnol, l’on voit une espèce de créature étrange avec des cornes sous une lune étoilée. Et moi, j’ai acheté une araignée de mer au marché central, je lui ai fait une couronne de laurier que j’ai peinte en or et j’ai tourné ses pattes vers le ciel comme si elle était en train d’invoquer un esprit...
Dans ce projet, la photographie c’est plus comme un outil et non pas une expression artistique en soi?
Il est évident que l’appareil photo n’est qu’un outil au service d’une vision, et si j’avais été un bon peintre, j’aurais fait de la peinture. Tout mon travail essaie de s’affranchir de la photographie. Si on regarde même mes autres projets, ils s’éloignent de la photographie de plus en plus et je revendique une manière de photographier complètement différente qui s’inscrit plus dans l’art contemporain que dans la photographie même.
Vous utilisez différents médiums qui ne répondent pas aux normes classiques. Pourquoi?
Lorsque nous avons choisi ce lieu pour l’accrochage des travaux issus de la résidence à Central 88, c’était assez intéressant. Cela nous a permis d’élaborer une construction et une scénographie très particulières qui se prêtent très bien à ce projet. C’est complètement déstructuré car j’aime les choses un peu radicales dans mon travail. J’ai juxtaposé les grands formats avec les petits projets... et le lieu se prête à ces expérimentations.