Le 15 avril 2019, un incendie majeur survenait au sein de la cathédrale Notre-Dame de Paris, ravageant une partie de l’édifice religieux érigé entre les 12ème et 14ème siècles. Pendant plus de quinze heures, les flammes vont détruire la flèche de la cathédrale, ainsi que les toitures de la nef et sa charpente.
Cinq ans plus tard, les travaux de reconstruction de l’édifice vont bon train et Notre-Dame de Paris s’apprête à rouvrir ses portes au public, avec toutefois une innovation majeure, à la symbolique forte.
La marque du 21ème siècle dans un édifice emblématique
Répondant à une demande formulée par l’archevêque de Paris, Monseigneur Laurent Ulrich, le président français Emmanuel Macron a annoncé, en décembre 2023, l’installation de vitraux contemporains figuratifs dans six chapelles du bas-côté sud de la nef. De nouveaux vitraux qui feront porter à la cathédrale «la marque du 21ème siècle» et remplaceront les vitraux du 19ème siècle, créés par l’architecte Eugène Viollet-le-Duc, qu’il faudra donc démonter.
«Cette commande artistique, expliquera plus tard le ministère français de la Culture dans un communiqué, sera l’apport de notre temps à ce patrimoine insigne, œuvre de nombreux bâtisseurs et artistes qui ont contribué, au cours des siècles, à la splendeur de la cathédrale».
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En charge de ce projet à la forte symbolique, un comité artistique composé de vingt membres a été mis en place par ledit ministère. Conservateurs du patrimoine, artistes, membres du diocèse de Paris, de l’établissement public chargé du chantier de reconstruction et du ministère de la Culture… au total, vingt membres composent ce comité présidé par l’ancien directeur du Musée national d’art moderne, Bernard Blistène, et ont pour objectif de sélectionner, dès novembre 2024, un duo composé d’un artiste et d’un artisan verrier auquel sera confiée la tâche de réaliser les six vitraux contemporains et «figuratifs», en vue d’une installation courant 2026.
Tahar Ben Jelloun et Philippe Brissy, un duo qui se démarque
Parmi les 110 dossiers de candidatures reçus se démarque celui déposé par l’écrivain et artiste franco-marocain Tahar Ben Jelloun et le maître verrier Philippe Brissy, qui se sont associés pour l’occasion avec l’Atelier du vitrail de Limoges.
À l’annonce de ce projet, Tahar Ben Jelloun a tout de suite appelé son ami Philippe Brissy, qui «a trouvé l’idée formidable», explique l’écrivain dans un échange avec Le360. Aussitôt dit, aussitôt fait, le tandem s’est mis au travail afin de constituer le dossier de candidature accompagné d’une lettre d’intention. «C’est un énorme travail», estime Tahar Ben Jelloun qui estime à 120m2 la surface de vitraux à couvrir, lesquels devront représenter «la Pentecôte et les saints de cette fête», explique-t-il.
Ce n’est pas la première fois que Tahar Ben Jelloun et Philippe Brissy unissent leurs talents. En effet, lorsque le romancier et Prix Goncourt est choisi pour créer les vitraux de l’église Saint Génulf du Thoureil, située sur les bords de la Loire, entre Saumur et Angers, c’est avec Philippe Brissy que celui-ci a réalisé ce rêve de faire se rencontrer la Méditerranée et la Loire.
Depuis le 28 novembre 2019, huit magnifiques vitraux contemporains, dessinés par Tahar Ben Jelloun et réalisés par Philippe Brissy, apportent de la lumière et de la couleur à l’église Saint Génulf et reflètent cette réalité propre à la peinture de Tahar Ben Jelloun: spirituelle, lumineuse, positive, colorée et joyeuse, à l’image de la vie.
Bientôt un miracle à Notre-Dame de Paris?
De la même manière qu’il s’est nourri de lectures religieuses pour la réalisation des vitraux de l’église de Saint Génulf, devenant le premier artiste de culture musulmane à se voir investir d’une telle mission, Tahar Ben Jelloun s’est appliqué à lire «ce qui est écrit sur les différents saints, la lumière qui descend sur eux» pour le projet des vitraux de Notre-Dame.
La symbolique est puissante. Le miracle de faire communier sous le pinceau de Tahar Ben Jelloun les religions dans une église se reproduira-t-il à nouveau à Notre-Dame de Paris?
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«C’est là-dessus que je compte, mais ça va être difficile», confie Tahar Ben Jelloun, car, déjà, sont annoncés de grands noms de l’art contemporain parmi les nombreux candidats. Daniel Buren, Hervé Di Rosa, Yan Pei-Ming et Pascal Convert font ainsi partie des prétendants, à l’instar de Robert Combas, Laure Prouvost, Philippe Parreno, Jean-Michel Alberola, Jaume Plensa, Claire Tabouret et Barthélemy Togo… La sélection s’annonce ardue, bien que malgré la célébrité qui auréole le nom de ces artistes, Bernard Blistène annonce qu’il «se réserve le droit à la surprise» en sélectionnant également «des artistes moins connus».
S’il considère comme minces ses chances de remporter ce projet, Tahar Ben Jelloun caresse toutefois l’idée de faire au moins partie des cinq candidats retenus, ne serait-ce que pour «le signal formidable» que cela représenterait, insufflé par «la rencontre entre les deux religions et les spiritualités». Au-delà de «ce beau symbole», l’artiste soupèse «la grande satisfaction sur le plan politique» que ce projet pourrait incarner, car, précise-t-il «l’islam est la deuxième religion de France», un pays où, malheureusement, «la haine de l’islam, de plus en plus développée par la droite et l’extrême droite, est devenue une litanie infernale».
En guise de message de paix, Tahar Ben Jelloun espère avoir cette occasion «de faire entrer un peu de soleil et de lumière, par (sa) peinture, dans cet édifice qui est devenu universel, qui appartient à toutes les nations et à tout le monde».