Paysages marocains, foi et quête: la formule Oliver Laxe dans son film «Sirāt»

Le Sahara marocain, un personnage à part entière dans «Sirāt» d’Oliver Laxe

Oliver Laxe, cinéaste galicien. (A.Gadrouz/Le360)

Le 30/11/2025 à 16h17

VidéoPrésent au Festival international du film de Marrakech, le réalisateur galicien Oliver Laxe est revenu sur le tournage de «Sirāt», son dernier long-métrage projeté dans la catégorie 11ème continent. Tourné dans les paysages désertiques du sud marocain, le film, sacré Prix du jury à Cannes et choisi pour représenter l’Espagne aux prochains Oscars, confirme le lien profond que le cinéaste entretient avec le Maroc. Lors d’un échange, il nous livre une réflexion intime sur sa démarche artistique.

Né à Paris et d’origine galicienne, Oliver Laxe a vécu onze années au Maroc, un pays auquel il reste profondément attaché. Le choix de tourner «Sirāt» dans le massif désertique de Jbel Saghro, à l’est de Ouarzazate, s’inscrit dans une continuité naturelle de son parcours artistique. Déjà en 2016, «Mimosas, la voie de l’Atlas», présenté au Festival du film international de Marrakech et primé à Cannes, baignait dans les paysages du Haut Atlas. Avec «Sirāt», récompensé du Prix du Jury à Cannes et désormais en lice pour l’Oscar du meilleur film international, le réalisateur confirme une œuvre habitée par la quête, la spiritualité et l’exploration cinématographique des territoires marocains.

Film de marche, de musique électro et d’épreuve, «Sirāt» puise son intensité dans un décor qui, pour Laxe, dépasse le cadre esthétique. «Le paysage marocain n’est pas seulement un lieu beau, c’est un lieu qui est habité. La nature te défie, elle te met à l’épreuve et il faut lire les signes», explique le réalisateur. «Ces montagnes me font sentir petit, et je crois que c’est la vraie nature de l’être humain. Cette dureté te donne aussi de la sérénité», ajoute-t-il.

Installé de longues années dans le Sud marocain, Oliver Laxe entretient avec le pays un rapport quasi filial. «Tourner au Maroc, c’est aussi pour moi une excuse pour revenir. C’est chez moi ici aussi», déclare-t-il. Il salue également la qualité des équipes locales, qui ont accompagné la production. «Le niveau technique des professionnels marocains est excellent. Un tournage, ce n’est pas seulement du talent: c’est aussi de la patience, de la gratitude et de la foi. Et ici, je l’ai trouvé», assure-t-il.

Pour Laxe, faire du cinéma relève davantage du chemin initiatique que d’un métier. «Pour moi, faire mon métier, c’est aller à la limite. L’amour et la folie sont très proches: je ne calcule pas, je me lance», confie-t-il. Cette liberté formelle, souvent déroutante, constitue sa signature. «J’assume que beaucoup de spectateurs sortent de “Sirāt” en disant qu’ils n’ont rien compris. Mais je suis comme un médecin: je connais mon métier. Je sais faire des images qui pénètrent le spectateur, et je sais que c’est sain», affirme-t-il, confiant.

Le cinéaste évoque notamment un passage marqué par la récitation de la sourate Maryam. «Je n’ai pas envie de rationaliser ce moment. Mais je sais qu’il touche tout le monde, qu’il pénètre le corps et l’âme. C’est mon moment préféré du film», confie-t-il.

Lauréat du Prix de la semaine de la critique pour «Mimosas» et d’une Palme du Jury pour «Sirāt», Oliver Laxe mesure le poids des récompenses, sans en faire une finalité. «Les prix sont importants. Ils donnent une certaine liberté pour les prochains films», déclare-t-il. Voir «Sirāt» représenter l’Espagne aux Oscars reste pour lui une surprise. «Je ne m’étais jamais projeté dans les Oscars. Cannes, oui. Mais les Oscars… Je n’avais jamais imaginé qu’un de mes films y serait candidat. Et nous avons nos chances parait-il», partage Oliver Laxe.

Interrogé sur le cinéma africain, Laxe se dit impressionné par l’authenticité des auteurs du continent. «J’aime les cinéastes cohérents, ceux qui ont un regard noble. Ici, je vois des réalisateurs qui aiment leur pays, avec un regard humain et sincère. Le cinéma marocain en particulier connait une trajectoire ascendante tout en gardant son âme et sa vérité», conclut-il.

Par Ryme Bousfiha et Adil Gadrouz
Le 30/11/2025 à 16h17