Samedi 10 août 2024, 16h00. Dounia Azza arrive sur le Mehrek du Moussem Moulay Abdellah Amghar. Les préparatifs battent leur plein, et l’effervescence autour d’elle ne fait qu’accentuer l’importance de ce jour pour la cavalière, qui s’apprête à mener pour la première fois sa propre sorbe, intégralement composée de cavalières, dans le festival équestre le plus emblématique du pays.
Dounia, qui représente la commune Oulad Ghanem, dans la province d’El Jadida, prend quelques instants pour observer l’immensité du manège qu’elle s’apprête à fouler au grand galop. Chaque année, le Moussem attire des milliers de spectateurs, venus assister aux performances des meilleurs cavaliers du Maroc. Et cette fois, elle fait partie de cette élite, «un motif de fierté qui se mélange à une certaine nervosité», confie-t-elle.
Son cheval est déjà là, soigneusement préparé par les palefreniers. Dounia s’approche de sa monture, la caresse doucement, puis vérifie chaque détail de l’équipement. «C’est notre journée», murmure Dounia à l’oreille de son compagnon, qui semble presque saisir l’importance du moment. Elle prend une profonde inspiration, se concentrant sur la tâche à venir.
À leur tour, les autres membres de sa troupe commencent à arriver, toutes vêtues d’une tenue de circonstance, des jellabas blanches rayées de vert. Dounia les accueille avec un large sourire, mais son esprit est déjà tourné vers la compétition. «C’est ma première participation à ce Moussem, et je veux qu’elle soit mémorable. Il faut que tout soit parfait», se répète-t-elle. Chacune des femmes de la sorbe partage cette ambition, consciente de l’importance de représenter dignement leur groupe, leur région, ou simplement leur propre personne dans ce haut lieu de la tradition équestre marocaine.
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Vers 16h30 heures, Dounia et son équipe se regroupent pour une dernière révision. À ses ouailles, la meneuse de la sorbe parle avec un mélange de douceur et de fermeté, rappelant les impératifs de la coordination et du timing, essentiels pour une performance réussie. «C’est une passion que nous partageons toutes. Nous avons travaillé dur pour arriver ici, et aujourd’hui, nous allons montrer ce que nous valons», lance-t-elle avec solennité.
La montre tourne et l’heure de la performance approche. Les spectateurs affluent, prenant place autour de la piste, et le brouhaha de la foule s’intensifie. Dounia sent son cœur battre plus fort, mais s’emploie à garder son calme. Elle sait que cet instant est le fruit de nombreux sacrifices, de longues heures d’entraînement et d’un soutien sans faille de sa famille. «Mon frère et mon mari m’ont toujours encouragée. Ils ont nourri cette passion en moi, et je suis déterminée à la transmettre à mon fils», partage-t-elle.
La cavalcade 100% féminine
À 17h00, l’appel des troupes retentit. C’est le signal. Dounia et sa sorbe montent en selle, prêtes à entrer en piste. Elles échangent des regards confiants, sachant que ce moment est le point culminant de ce qui sera certainement l’un de leurs plus beaux souvenirs de cavalières. Les portes du Mehrek s’ouvrent, et elles avancent ensemble, au petit trot, pour s’aligner au bout de la piste.
Le départ est donné. Sous un soleil de plomb, Dounia conduit sa troupe avec une précision impeccable. Chaque mouvement de la charge est calculé. La montée en vitesse de la chevauchée et le rythme des galops sont minutieusement coordonnés, jusqu’à l’instant paroxystique de la cavalcade: la détonation de baroud parfaitement synchronisée. Les spectateurs sont en admiration, captivés par la grâce et la puissance de cette troupe entièrement féminine. Les applaudissements fusent, nappés de youyous, pour saluer la beauté de l’exploit.
Le baptême de feu de Dounia Azza, leader d’une Sorba, au Moussem Moulay Abdellah Amghar. (K. Essalak / Le360)
Lorsque la performance s’achève, c’est une Dounia émue qui descend de cheval. Elle sait que, comme les autres cavalières de sa troupe, elle vient de marquer les esprits, non seulement par son talent, mais aussi par son audace et sa maîtrise d’une discipline historiquement masculine. Et cela dans l’un des plus grandes manifestations de Tbourida du pays, où «l’ambiance est exceptionnelle et l’organisation proche de la perfection», commente-t-elle.
À 18h00, alors que la tension retombe, Dounia retrouve sa famille. Son frère et son mari l’accueillent avec des sourires éclatants. Autour d’un repas, le trio discute de sa performance, dissèque les moments forts de la cavalcade, commente l’allure de cette charge 100% féminine, et évoque l’avenir et les prochaines sorties équestres de la cheffe de sorbe. Car si la journée se termine déjà, pour Dounia, ce n’est que le début d’une nouvelle aventure.