Le comédien Mohamed Miftah est né et a grandi à Hay Mohammadi. A l'occasion de la première édition du festival L'Hay Bel Fan, il a eu la générosité de partager son vécu dans ce quartier emblématique, l’un des berceaux de la révolution culturelle, dès la fin des années 60.
Le jeudi 27 octobre, à la Maison de la culture de Hay Mohammadi, Mohammed Miftah s'est confié, en usant d'humour et de dérision, sur son existence dans ce quartier populaire à la périphérie de Casablanca.
Ceux qui ne le connaissent qu’à travers ses rôles tragiques au cinéma et à la télévision découvrent un Miftah à la fois drôle et pudique.
Ses parents ont investi le quartier à la recherche de travail. Ouvriers, ils se sont installés dans cette zone industrielle qui connaissait une forte concentration d'usines.
L'enfant, puis l'adolescent qu'il est devenu, a évolué dans cet univers de dur labeur. Il se réfugiait au mythique cinéma Saada, pour donner libre cours à son imagination. Il visionnait des films américains ou indiens et, happé par la force des images, il fréquentait cette salle avec assiduité.
Et puis, il y avait surtout les autres: les membres du groupe Nass El Ghiwane, symbole de toute une génération. "La vie était dure à l’époque. Nous étions forcés d’effectuer de longs trajets à pied pour nous déplacer", se souvient-il.
Leur destination? Le théâtre qui se trouvait sur l'avenue des FAR. Lieu d'expression de ces jeunes amateurs d'art dramatique: "Malgré toutes nos souffrances, nous étions heureux car nous étions très créatifs", précise-t-il.
"C’est d’ailleurs cette souffrance qui générait notre force créatrice. Un véritable moteur", confie l’acteur ému, depuis sa tribune. Un sentiment qu'il partage visiblement avec Omar Sayed, membre de Nass El Ghiwane, assis à ses côtés.
Et puis, le ton change. La confidence est plus douloureuse. "J’ai été incarcéré durant les années de plomb, et j’ai croupi en prison durant un an et demi. La société était en ébullition".
Aujourd'hui, la situation a changé. La jeune génération d'artistes représentée, notamment, par Barry ou Khansa Batma est consciente de cet héritage. Mais ces jeunes le vivent "comme un poids tant les choses ont changé".
La tradition militante, à la fois cultuelle et politique des "enfants de Hay Mohammadi", s'est rompue.