En 1994, après l’édification de la mosquée Hassan II, Abdelaziz Halimi, mâalem spécialisé dans le bois peint, a fait partie du groupe d’artisans envoyé par le défunt roi Hassan II à Constantine, en Algérie, pour y réaliser les travaux d’artisanat de la mosquée de l’Émir Abdelkader. Déjà à cette époque, aucun artisan ne pouvait travailler pour un autre pays sans l’accord du Roi, explique le mâalem dans un entretien avec Le360. C’est ainsi à la demande des autorités algériennes que feu Hassan II consentit à dépêcher des artisans marocains pour orner l’édifice religieux de la richesse des arts traditionnels marocains.
Et pour cause, cet artisanat est un patrimoine marocain dont l’Algérie ne dispose pas… bien que le pays tente aujourd’hui de se l’approprier. D’ailleurs, se rappelle Abdelaziz Halimi, c’est après la visite d’une délégation officielle algérienne à la mosquée Hassan II de Casablanca que la demande a été formulée au défunt monarque. C’est que, désireux de se doter lui aussi d’un joyau architectural islamique, le pays voisin ne disposait ni du savoir-faire ni des artisans pour mener à bien cette ambition.
Abdelaziz Halimi passera en tout six mois à Constantine, en compagnie d’autres artisans spécialisés en zellige, en bois sculpté, en bois peint ou en plâtre sculpté… C’est ainsi aux artisans marocains que la mosquée de l’Émir Abdelkader doit les arts traditionnels qui ornent ses murs. Et ce, jusqu’au minbar, offert par le Roi Hassan II et envoyé par avion militaire à Constantine, poursuit le maître artisan.
Mais ce n’est pas la seule fois où l’Algérie a sollicité le Maroc pour son savoir-faire. Quelques années plus tard, c’est pour la réalisation de la Grande Mosquée d’Alger que les autorités algériennes ont souhaité faire appel aux artisans marocains. Mais cette fois-ci, révèle Abdelaziz Halimi, les mâalems marocains se sont vus approcher par des «artisans» algériens qui souhaitaient s’associer avec eux, dans le but inavoué d’être formés aux arts traditionnels du Maroc et pouvoir ainsi «emporter» ce savoir-faire en Algérie et le dupliquer sur l’édifice religieux algérois. Ils se sont toutefois heurtés à un refus catégorique des mâalems marocains. Et pour cause, ces derniers étaient parfaitement conscients de l’importance de cet héritage que sont les arts traditionnels et savaient bien que, comme tout patrimoine culturel, celui-ci se doit d’être préservé.
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Le témoignage de Abdelaziz Halimi apporte un précieux éclairage à l’heure où l’Algérie tente de s’approprier le patrimoine culturel du Maroc, à l’instar de l’art du zellige -qu’elle confond pourtant toujours avec des carreaux de céramique, ou du caftan, habit traditionnel ancestral que l’Algérie essaie tant bien que mal d’imiter, sans jamais pouvoir l’égaler.
Un patrimoine culturel se construit au fil des siècles et ne peut être vulgairement copié. Si tel était le cas, le Palais du Mechouar à Tlemcen, dont les zelliges ont été entièrement réalisés par des artisans marocains, ne serait pas dans un tel état de délabrement. Il en va de même pour la Grande Mosquée de Paris, actuellement dirigée par l’Algérie, mais entièrement réalisée par des artisans marocains, dont les zelliges, faute de pouvoir être remplacés, sont grossièrement colmatés avec du ciment.
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