Le droit de suite des artistes au cœur d’une conférence régionale africaine

Une oeuvre de feu Mohammed Melehi exposée dans les galeries de Sotheby's dans le centre de Londres, le 2 octobre 2020.

Du 14 au 16 octobre, se tiendra à Rabat la conférence régionale africaine sur le droit de suite des artistes. Un évènement très attendu organisé par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) et le Bureau marocain du droit d’auteur et des droits voisins (BMDAV).

Le 10/10/2025 à 19h08

Le droit de suite constitue un enjeu majeur dans le monde de l’art, et la conférence régionale africaine qui lui est consacrée revêt, à ce titre, une importance particulière. Inscrit dans de nombreuses législations internationales, ce mécanisme juridique a pour objectif de garantir aux artistes plasticiens une participation continue à la valeur économique que leurs œuvres acquièrent au fil du temps.

Véritable instrument de protection, le droit de suite sécurise les créateurs qui, souvent confrontés à des besoins financiers immédiats ou désireux de générer rapidement des revenus, cèdent parfois leurs œuvres à des prix modestes, bien inférieurs aux montants atteints lors de reventes ultérieures. Sans ce dispositif, l’artiste ne bénéficie d’aucune part de la plus-value réalisée. Grâce au droit de suite, l’auteur perçoit ainsi un pourcentage du prix de chaque revente de son œuvre, au-delà de la première transaction.

Quid du droit de suite au Maroc?

Bien que le Maroc ait compté parmi les premiers pays à intégrer le droit de suite dans sa législation nationale, à travers le Dahir du 29 juillet 1970 relatif à la protection des œuvres littéraires et artistiques, ce cadre précurseur souffrait de l’absence de décrets d’application, ce qui a empêché toute mise en œuvre effective de ce droit.

Conscient de l’importance du secteur des arts plastiques et visuels, et fidèle à l’approche participative consacrée par la Constitution, le Bureau marocain du droit d’auteur et des droits voisins (BMDAV) a engagé, depuis 2019, une série de concertations avec les acteurs du secteur — artistes plasticiens et professionnels — afin d’explorer les modalités de mise en œuvre du droit de suite et de consolider le dispositif législatif relatif aux droits d’auteur et droits voisins.

Ces efforts ont abouti, le 8 juin 2023, à l’inscription du droit de suite dans la loi n° 66.19, consacrant une avancée majeure pour la protection des artistes plasticiens et rapprochant le droit national des standards et engagements internationaux.

Désormais, le législateur marocain y définit le droit de suite comme «le droit inaliénable de bénéficier d’un pourcentage du produit de toute revente d’une œuvre d’art graphique ou plastique après la première cession par l’artiste ou ses ayants droit, lorsque cette opération est effectuée par un professionnel du marché de l’art, en qualité de vendeur, d’acheteur ou d’intermédiaire».

L’article 1.43 de cette loi établit, par ailleurs, que «les auteurs d’œuvres d’arts graphiques et plastiques bénéficient du droit de suite sur leurs œuvres (…). Les ayants droit continuent d’en bénéficier pendant les soixante-dix années suivant le décès de l’auteur. Le Bureau Marocain du Droit d’Auteur et des Droits Voisins (BMDAV) prélève un pourcentage sur le produit de la vente au titre du droit de suite, au profit de l’auteur ou de ses ayants droit. Le taux et les modalités de calcul de ce prélèvement sont fixés par voie réglementaire».

L’adoption du droit de suite et son intégration dans le cadre législatif marocain marquent une avancée décisive pour la valorisation de la création artistique nationale. Ce mécanisme contribue à assurer une justice sociale et économique en permettant aux artistes plasticiens de bénéficier d’un pourcentage sur la revente de leurs œuvres. Le barème fixé prévoit des taux allant de 2 à 8%, dégressifs à mesure que le prix de revente augmente.

Une conférence pour mettre en œuvre une stratégie

Dans la continuité de cette avancée, se tiendra du 14 au 16 octobre la Conférence régionale africaine sur le droit de suite. L’ouverture sera marquée par les allocutions de Mehdi Bensaid, ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, et de Sylvie Forbin, vice-directrice générale chargée du Secteur du droit d’auteur et des industries de la création (CCIS) à l’OMPI.

La première journée, animée par Bilal Mziaou, chef du département collection au BMDAV, abordera plusieurs thématiques d’actualité: «L’origine et l’évolution du droit de suite sur la scène internationale», «L’essor du marché de l’art numérique et le droit de suite» ou encore «Le rôle des organisations de gestion collective dans la promotion du droit de suite en Afrique». Autant de débats qui réuniront experts, juristes, galeristes et avocats spécialisés.

Le deuxième jour sera consacré à des ateliers pratiques autour de la perception et de la répartition des redevances liées au droit de suite, ainsi qu’à l’exploration des solutions technologiques mises à disposition des organisations de gestion collective dans le domaine des arts visuels.

Enfin, le 16 octobre sera dédié à la restitution des travaux des ateliers et à une séance de synthèse visant à définir les grandes orientations stratégiques à mettre en œuvre. Cette démarche s’inscrit dans la continuité des initiatives du BMDAV qui, depuis l’intégration du droit de suite dans la loi n° 66.19 en 2023, a déjà lancé une plateforme électronique dédiée à l’inscription des auteurs d’œuvres graphiques et plastiques: https://bmdav-ds.ma/.

Il est également prévu la mise en place d’un comité spécialisé, réunissant des artistes et des professionnels du marché de l’art. Sa mission sera de vérifier la validité des informations et données déclarées par les auteurs sur la plateforme, garantissant ainsi une gestion plus transparente et plus efficace des droits.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 10/10/2025 à 19h08