Exposition. Fouad Bellamine et les fragments de vie, à l'Atelier 21

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"Fragments de vie" est le titre de la prochaine exposition de l'artiste-peintre Fouad Bellamine, prévue du 3 décembre au 13 janvier prochains à la galerie d'art L'Atelier 21, à Casablanca.

Le 22/11/2019 à 18h25

Nous sommes en 1994, dans un appartement du centre-ville de Rabat. Lors d’un épisode douloureux de sa vie, Fouad Bellamine lacère, dans un accès de colère, une grande toile qu'il avait peinte. «Fouad Bellamine a entaillé la toile comme l’on s’automutile en agressant sa propre peau. Car il ne fait qu’un avec elle», écrit à ce sujet Latifa Serghini dans la préface du catalogue de cette exposition qui débute le 3 décembre 2019 à la galerie d'art L'Atelier 21 et prendra fin au début de l'année suivante, le 13 janvier 2020. 

Déchiquetée avec un cutter, la toile a par la suite été enroulée, et conservée dans un coin caché de l’appartement où vivait le peintre, rue du Caire, dans le centre-ville historique de Rabat.

Toutefois, l'artiste n’a jamais pu tourner la page après cet épisode, et n'a pas renoncé à cette toile, mais il a plusieurs fois différé le moment de l’affronter de nouveau du regard. Ce n'est donc que 25 ans plus tard, que Bellamine donne une nouvelle vie à cette œuvre lacérée en isolant et en découpant ses parties intactes. Il intitule cette œuvre rendue à la vie: "Fragments d’une déchirure". Mais pour autant, cela n’apaise pas la douleur initiale de l'artiste, qui décide alors de peindre un ensemble d’œuvres dans la foulée, comme pour conjurer définitivement les démons de cette œuvre qu'il avait exécutée. 

Concernant cette entreprise, il se confie en ces termes à Latifa Serghini: «c’est une renaissance, une résurrection dont il est question. C’est un cadavre, un cercueil auquel je redonne vie, à une période de maturité de mon travail où j’interpelle les moments de mon parcours pictural, qu’ils soient minimalistes ou expressionnistes. Ce sont en réalité des fragments de peinture». 

Ce sont ces œuvres, provoquées par le souvenir de cette toile lacérée, qui seront donc données à voir dans "Fragments de vie".

«La destruction peut être salutaire, régénératrice. Elle seule permet de poursuivre la seule route après le chaos, le juste chemin», explique l’écrivain Kebir Mustapha Ammi dans le catalogue de cette exposition casablancaise. 

Il faut bien reconnaître que l’œuvre détruite a été à l’origine d’un travail mémoriel exaltant, où l’artiste s’est plongé dans une introspection qui l’a conduit à interroger plusieurs de ses séries anciennes, comme les parallélépipèdes, les niches ou les arches.

«Le résultat est époustouflant», s'émerveille Kebir Mustapha Ammi, qui ajoute: «d’un tombeau surgit la vie. D’une leçon des ténèbres, jaillit la lumière, éblouissante, faite de rais incomparables qui inondent d’un nouveau jour, un sublime matin, l’œuvre du maître». 

A propos de l'artiste. Est-il encore réellement besoin de présenter Fouad Bellamine? Né en 1950 à Fès. Il quitte sa ville natale en 1967 au terme de ses études secondaires, pour l’Ecole des Arts Appliqués de Casablanca. Il expose pour la première fois en 1972 à la galerie La Découverte à Rabat. La même année, il intègre l’enseignement, en qualité de professeur d’arts plastiques, avant de poursuivre sa formation par un Diplôme d’Etudes appliquées (DEA) en Histoire et théorie de l’art, à l’université de la Sorbonne, Paris 1.

L’évolution de l’art en Occident le passionne, il est ouvert et attentif à toutes les nouvelles tendances, ce qui le conduit très tôt à réaliser des installations, et fera de lui l’un des premiers installationnistes marocains.

Cependant la peinture est sa passion. Sa première exposition à Paris en 1980 est saluée par les critiques d’art. Fouad Bellamine s’installe donc dans la ville lumière, où il réside une dizaine d’années. Il peint pendant cette période des parallélépipèdes, des niches, des arches, des voûtes, où la gestuelle du corps est consubstantielle avec l’acte de peindre et le faire espace.

Avec "Fragments de vie", Fouad Bellamine initie une traversée mémorielle et intime dans plusieurs périodes qui ont fait sa réputation comme l’une des figures majeures de la peinture moderne dans le monde arabe, et bien au-delà.

L’artiste vit et travaille à Rabat.

Par Khalil Ibrahimi
Le 22/11/2019 à 18h25