La journée mondiale de la langue arabe a été instaurée en 2012 par l’UNESCO et a été fixée au 18 décembre de chaque année.
Pourquoi le 18 décembre? Parce que c’est à cette date que la langue arabe a été adoptée par l'assemblée générale de l'ONU comme sixième langue officielle en 1973.
L’âge d’or de la langue arabe
A son apogée, la langue arabe était une langue de sciences et de littérature. En témoignent de nombreux ouvrages traduits en langues étrangères, notamment ceux d’Ibn Sina, Ibn Rochd, Jabir Ibn Hayyan, Charif Al-Idrissi et Ibn khaldoun.
C’est précisément grâce aux écrits à l’origine en langue arabe que le monde a pu entamer sa révolution scientifique et littéraire.
Les premiers mots arabes font ainsi repris dans d’autre langues, notamment le français, dès le Moyen-Age. On en dénombre ainsi plus de 200, selon l’ouvrage de Marie Treps "Les mots voyageurs, petite histoire du français venu d’ailleurs" (Points).
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"Dans le lot importé d’Orient, [on compte] une bonne mesure de mots arabes (plus de 200), une part de mots persans (une bonne cinquantaine), une autre de mots turcs (une petite cinquantaine). S’y ajoutent une cinquantaine de mots sanskrits, colportés par le persan, et enfin une trentaine de mots hébreux, véhiculés par les traductions grecques ou latines de la Bible", explique l’auteure.
Puis, au VIIIe siècle, l’arrivée des Maures en Espagne marque le début de la civilisation mozarabe et le classement de la langue arabe comme "la troisième grande source à laquelle nous irons puiser des mots hispano-arabes", explique Marie Treps.
Enfin au XIIe, on ne se contente plus de traduire les ouvrages écrits en langue arabe mais on intègre directement le vocabulaire arabe à celui de la médecine, la pharmacologie, l’alchimie, les mathématiques et l’astronomie qui sont alors les domaines de prédilection des Arabes.
"Dans la diversité de ses formes, classiques ou dialectales, de l'expression orale à la calligraphie poétique, la langue arabe a donné naissance à une esthétique fascinante, dans des domaines aussi variés que l'architecture, la poésie, la philosophie et la chanson. Elle donne accès à une incroyable variété d'identités et de croyances et son histoire révèle la richesse de ses liens avec d'autres langues. L'Arabe a joué un rôle de catalyseur dans la connaissance, en favorisant la diffusion des sciences et philosophies grecques et romaines au sein de l'Europe de la Renaissance. Il a permis un dialogue des cultures le long des routes de la soie, de la côte de l'Inde à la Corne de l'Afrique", abonde l’UNESCO dans un communiqué publié sur son site.
Le lent déclin d’une langue
Toutefois, à partir du début du 18ème siècle, la langue arabe a connu une forte régression. La faute à la colonisation affirme de son côté Ahmed Berrissoul, enseignant-chercheur à l’Institut des études et des recherches pour l’arabisation (IERA), qui dans une déclaration à la MAP explique que durant cette période, "la langue du colonisateur s'est transformée d’une "langue d'opportunité et de profit" à une "langue de rente comme reconnue par certains".
Il explique que "la langue du colonisateur était la langue prédominante du pouvoir et d'influence. Elle dominait affreusement la langue arabe", a-t-il regretté, jugeant que la solution "efficace est de s'ouvrir à la langue forte au niveau international en premier lieu, puis aux langues qui se caractérisent par une activité de production de connaissances et de profiter de leur contenu pour nourrir la langue arabe, tout en maintenant la souveraineté de cette dernière".
L’arabisation de la vie publique et de l'environnement culturel, politique et économique "doit refléter la souveraineté qui ramène la langue arabe à son état normal et naturel", suggère aussi le chercheur.
Comment redorer le blason de la langue arabe?
Ahmed Berrissoul plaide pour la mise en place d'une "politique linguistique qui doit apporter le soin et l'importance nécessaires aux recherches linguistiques, appliquées et pédagogiques".
Pour sortir de cette situation de marginalisation, l'expert a souligné l'importance d'une "politique linguistique qui définit les différentes composantes de la nation et ses choix" et qui doit être préconisée par les instances politiques et législatives, mettant l'accent sur la nécessité de travailler sur la langue arabe selon une perspective multidimensionnelle à traits éducatif, médiatique, communicationnel, socio-économique et linguistique.
S’agissant du pur aspect linguistique, le chercheur suggère qu'il faut travailler sur la langue arabe en interne, la restructurer, développer son lexique et sa terminologie, et enfin, fournir des services linguistiques qui facilitent sa diffusion.
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L’arabe du futur
Pour mieux s’interroger sur le devenir de la langue arabe et son inscription dans le futur en tant que langue vivant avec son temps et donc avec les avancées technologiques, l'UNESCO a accueilli mercredi 18 décembre trois tables rondes consacrées au thème "Langue arabe et intelligence artificielle".
Des experts, des universitaires, des artistes et des représentants d'institutions spécialisées se sont ainsi réunis pour débattre de l'impact de l'intelligence artificielle sur la préservation et la promotion de la langue arabe, de l'informatisation de la langue arabe et l'avenir cognitif et du lancement du rapport régional: "l'arabe comme porte d'accès et de transmission du savoir
Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO, déclare, quant à elle,: «si elle comporte son lot de menaces pour le multilinguisme, l’intelligence artificielle est également un formidable vivier d’opportunités et de promesses. Par le développement d’outils de traduction instantanée, elle pourrait ainsi faciliter le dialogue entre les peuples et les cultures. Par le perfectionnement et la personnalisation des enseignements, elle pourrait encore grandement faciliter l’apprentissage de plusieurs langages et ainsi favoriser l’essor de la langue arabe.»