C’est lors d’une exposition rétrospective de mon travail, en octobre 2014, que j'ai rencontré, à Casablanca, monsieur Mohamed Bouzoubaa.J’ai découvert un homme d’exception, qui apprécie l’art et donne une place particulière aux artistes. Un bâtisseur qui a une vision valorisante de l’art au Maroc. Il reste l'une des rares personnes à avoir su intégrer l’art au sein de l’entreprise au point de faire de son siège un musée. J’ai eu affaire à un esthète, déterminé à intégrer l’art dans ce qu’il entreprend. Il a manifesté un fort intérêt pour l’ensemble des travaux exposés, des peintures et des sculptures et de la rétrospective qui représente l’aboutissement d’une longue démarche depuis la fin des années soixante.
Suite à cette visite, il m’a sollicité pour réaliser un travail monumental pour embellir la façade du siège de sa société TGCC, «Travaux Généraux de Construction de Casablanca». J’ai été extrêmement touché par sa proposition qui m’a permis de réaliser un travail d’envergure puis un important bas-relief en «taille directe» sur pierre pour le hall du siège, et bien d’autres travaux encore.
Grâce à la formation que j’ai reçue en tant que sculpteur, dessinateur puis peintre depuis 1967, j’ai pu me servir de quelques notions d’architecture et de décoration pour élaborer un aspect de bas-relief, de découpage, de structures ornementales qui aboutissent à des formes cohérentes en emballant un espace préconçu. Il s’agit pratiquement d’habiller un bâtiment. J’étais d’emblé dans la bonne voie grâce à un grand architecte et designer, monsieur Mohamed Abbassi, un homme fort sympathique, avec lequel je me suis bien entendu dès notre première rencontre. Il a été pour moi une présence salutaire, dans cette aventure.
Face à l’ampleur de l’ouvrage, j’ai dû réinventer des formes et des figures qui s'ajustent à la façade. Il fallait, pour cela, respecter les proportions des éléments qui doivent être homogènes et bien agencés, en parfaite harmonie avec le paysage urbain. Dans mon travail, le paysage demeure le fil conducteur qui me permet d’avoir une grande marge de liberté afin de pouvoir traiter n’importe quel élément qui s’intègre et constitue un ensemble cohérent et riche ayant des formes géométriques, des figurines, des fragments calligraphiques et des signes etc.
L’ensemble de ces éléments constitue le paysage réinventé ou plutôt le concept du paysage et non pas sa représentation académique. Pour avoir un aperçu global de l’ouvrage il faut prendre du recul afin de pouvoir cerner la totalité de l’œuvre dans son champ visuel. On verra alors un paysage urbain en symbiose avec la nature.
Les silhouettes sont ici en mouvement, tantôt debout ou assises en méditation, elles semblent en errance. Leur présence maintient l’équilibre d’un espace dans lequel l’homme s’émancipe et recrée pour mieux bâtir. Le siège sera désormais le témoin de tout cela.
TGCC finira par s’imposer avec cette audacieuse touche artistique qui devient un de ses atouts majeurs. L’objet artistique est donc omniprésent, monsieur Bouzoubaa a bien compris qu’une œuvre d’art rendra à l’architecture marocaine toute sa noblesse. Le siège TGCC est un clin d’œil qui tend vers cette rénovation, un acte précurseur qui préconise une politique d’intégration permanente des œuvres d’art à l’architecture et à l’environnement, dans des lieux publics ou privés, pour enrichir le cadre de vie de la population par la présence de l’art dans leur quotidien.
J’espère que les chefs d’entreprise, les architectes et les artistes se mettront à collaborer ensemble pour créer et construire, dans la durée, pour les futures générations afin que l’art soit une valeur ajoutée pour tous.
Abdallah SADOUK