Motifs colorés, trames complexes et créativité sans limite… Les tapis amazighs captivent au premier regard. Au détour d’une ruelle de la médina de Fès, les passants sont attirés par la profusion de couleurs éclatantes ce ces tapis exposés devant le bazar d’Abdelhadi Bouzidi Idrissi. «Regardez cette pièce», invite le marchand en déroulant une large zarbya aux motifs complexes, mêlant losanges, triangles et lignes fines. «Elle vient de l’Atlas. Il a fallu des mois de travail à ces femmes pour la réaliser. C’est une pièce unique, inimitable.»
Avec plus de 47 villages fournisseurs, Abdelhadi sait de quoi il parle: «Chaque tapis amazigh est unique, c’est ce qui fait sa beauté. Contrairement aux tapis industriels, ici, il n’y a pas de modèle fixe, pas de répétition mécanique. Les femmes amazighes tissent à partir de leur imagination, de leurs émotions, de leur quotidien.»
Il marque une pause, caressant la laine du tapis du bout des doigts. «Il y a aussi une harmonie dans les couleurs. Les teintures naturelles, extraites de plantes comme le henné, la grenade ou les coquelicots, donnent des teintes qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Ces couleurs vieillissent avec le tapis, mais elles ne perdent jamais leur éclat, elles gagnent même en profondeur.»
Des tapis amazighes exposés dans un bazar à Fès. (Y.Jaoual/Le360)
Haj Ahmed, un habitué des chemins tortueux, arrive, quant à lui, régulièrement chargé des trésors de sa région. Président d’une coopérative féminine, il s’assure que ces œuvres trouvent leur place dans les bazars de la médina.
Il explique que les étapes de fabrication sont un rituel en elles-mêmes. Tout commence par la tonte des moutons, puis vient le lavage minutieux de la laine dans les eaux cristallines des rivières de la région. Une fois séchée, la laine est teintée à l’aide de pigments naturels avant d’être filée, puis tissée avec une précision presque méditative.
Ce processus peut durer plusieurs mois, mais le résultat final est une véritable œuvre d’art. Cependant, cette tradition fait face à des vents contraires. Les bazars regorgent désormais de tapis industriels, importés de Turquie ou de Chine. Ces derniers, bien que souvent esthétiques, ne possèdent ni l’histoire ni l’authenticité des zribyas amazighes. «Ce n’est pas juste une question de prix, c’est une bataille pour préserver notre identité», déplore Abdel Hadi Bouzidi.