De joie, d’une folle joie, il n’a rien trouvé de mieux que d’incendier une voiture. C’est ça, voir une auto qui ne lui appartient pas flamber et participer ainsi à la liesse de la victoire du Maroc sur l’équipe de la Côte d’Ivoire a été sa lubie. L’imbécile!
Brûler un véhicule stationné là, juste pour voir le feu s’élancer dans le ciel et au passage cramer ce qui se trouve sur son chemin. Il a dû être content, car la police de Bruxelles a dû intervenir utilisant des canons à eau. Les échauffourées ont été violentes, insensées. Il y eut tout de même 22 policiers blessés!
Ce fut ainsi qu’un individu a fêté la qualification du Maroc pour la prochaine Coupe du monde de football en Russie. Au prochain but que les Lions de l’Atlas marqueraient en 2018, il faudrait qu’il brûle tout un parking plein de voitures, de camions, de bus, etc. Et si le Maroc emporte la coupe, cet individu devrait se brûler lui-même car il ne pourrait pas se contenter de mettre le feu à son quartier. Il offrirait sa vie au football marocain. Un sacrifice qui va au-delà de tout entendement. Rien de moins.
Il va falloir informer nos supporters qu’il s’agit là d’une simple qualification, que le plus dur est à venir, que rien n’est assuré et que la victoire dépend de tellement de facteurs et de hasard en plus bien sûr d’une préparation exceptionnelle et sans relâche. Seul le travail acharné paye.
Le hasard a fait que j’étais en Italie le soir de la défaite de la Squadra azzura face à la Suède. L’Italie n’ira pas en Russie. C’est la première fois depuis 1958 qu’elle ne figurera pas dans la Coupe du monde du football.
Cris, larmes, désespoir, tristesse… L’Italie était sous le choc. Rues silencieuses, restaurants fermés plus tôt, télévisions éteintes. C’est la catastrophe. Je me souviens d’une réflexion de J.L. Borges, le grand écrivain argentin qui, au lendemain d’un match de football assez chaud a eu ces mots: «Ouf, je suis soulagé, l’Argentine a écrasé la Bolivie!». L’autre soir, ce fut la Suède, pas très connue pour être un pays de foot, qui a réduit au silence la grande équipe italienne. La presse a parlé «d’apocalypse» et de «honte». Le secrétaire général de la Lega, parti d’extrême droite en Lombardie, Matteo Salvini, a attribué cette défaite au fait qu’il y a trop d’étrangers en Italie. Je ne vois pas le rapport, mais lui l’a vu et l’a proclamé. C’est la faute aux étrangers, aux réfugiés, aux immigrés, aux boiteux, aux borgnes, aux clochards, aux déprimés. Ce sont des Africains dont beaucoup de Marocains, des Albanais, des Boliviens qui ont porté malchance à l’équipe italienne. Mauvais œil! Oui, pour se venger du racisme quotidien de certains Italiens, des Marocains se sont rassemblés avec quelques Africains subsahariens et ont jeté un immense mauvais œil sur cette équipe. La preuve, ça a marché!
Le football joue un rôle important dans les sociétés. Il est souvent la mesure de l’état moral d’un pays, de son économie, de sa position dans le monde. Les commentateurs italiens ont cité le Maroc comme exemple. Son image change. On verra plus tard.
Le lendemain l’Italie est passée à autre chose. Plus personne ne parle de football ou de défaite. Le gardien de but a décidé d’arrêter sa carrière, des joueurs ont pleuré, et la vie continue.
Évidemment la qualification du Maroc est une très bonne nouvelle. Le moral du pays a pris quelques grades. L’économie suivra. On attend les pluies. C’est plus important, c’est même fondamental. On observe le ciel et on espère. Mais soyons modestes et attendons de voir. Surtout apprenons à ne pas confondre joie et vandalisme, fierté et délire.