Grâce à la crise catalane, l’Europe est en train de toucher du doigt le problème que vit le Maroc depuis la récupération de son Sahara. L’intégrité territoriale d’un pays est fondamentale pour aller de l’avant, se développer harmonieusement et sereinement, pour que sa voix compte dans le concert des nations, pour que son existence soit consolidée et son identité légitimée. Avec la démocratie, l’Espagne a donné une autonomie à plusieurs régions. La Catalogne, parce que riche et bien développée, a toujours eu des velléités d’aller au-delà de ce que Madrid lui avait concédée. Je me souviens de Jordi Pujol que j’ai bien connu quand il était président de cette région, me dire «nous signons des contrats avec la Chine et Madrid n’est pas content». En fait La Catalogne était devenue «la vache à lait» de l’Espagne qui devait venir en aide à des régions moins favorisées comme l’Andalousie.
Aujourd’hui, la volonté d’une partie des Catalans de se séparer de l’Espagne a déclenché des violences qu’on ne soupçonnait pas. L’intervention du roi a été digne et à la hauteur de sa mission: préserver l’unité du pays. Si on faisait un référendum dans toute l’Espagne, il est évident que les séparatistes auront peu de voix. Mais on ne peut pas organiser un référendum illégal et brandir ses résultats comme une légitimité aboutissant à la création d’un petit Etat hors de l’Europe et sans la monnaie européenne, l’Euro. C’est de l’ordre de l’aventure nationaliste qui affaiblirait tout le monde, en particulier l’Europe qui ne se porte pas très bien. Cela ressemble à une sorte de coup d’Etat anti-constitutionnel.
Imaginons que l’Algérie organise un référendum dans les camps de Tindouf. Le résultat est connu d’avance: une écrasante majorité de Saharouis obéiront aux ordres d’Alger. Est-ce pour autant une preuve que le Sahara sorte de la carte du Maroc et constitue un Etat à la solde des dirigeants algériens en dépit de l’histoire, de la culture et de la civilisation marocaines? Ce serait un vol et un viol de l’identité marocaine, car amputer un pays d’une de ses régions, est une façon de le condamner à s’appauvrir et à perdre son corps, son visage, son honneur et sa raison d’être.
L’Europe connaît la valeur de l’intégrité territoriale et l’histoire du XXe est semée de guerres atroces pour un bout de territoire. Alors que tous ceux qui sont censés trouver une solution au conflit artificiel, préparé par Alger, pensent à l’exemple de la Catalogne et du danger que son éventuelle séparation de l’Espagne causerait non seulement à Madrid, mais à l’ensemble des pays européens et aussi au Maghreb.
La France suit cette crise avec attention. Car elle aussi a ses régions qui ne cessent de réclamer leur indépendance. Mais les séparatistes en Bretagne, au pays basque ou en Corse sont minoritaires et n’ont aucune chance de réaliser leur rêve. Est-ce un rêve? Ce serait plutôt un exil, un isolement, une solitude.
Certains craignent, au cas où les médiations échouent, qu’une guerre civile s’installe en Catalogne. On ne sait jamais. Ça peut commencer avec rien, une injustice, un début d’incendie, une provocation. Le roi d’Espagne, comme son père en février 1981, est mis à l’épreuve. Il lui est demandé de résoudre un problème autrement plus délicat et plus complexe qu’un coup d’Etat militaire au parlement. Il s’agit de l’avenir de la Nation et de son intégrité territoriale. On verra comment il va s’en sortir. Tout dépendra aussi de la bonne ou mauvaise volonté des dirigeants catalans qui ne mesurent pas assez l’ampleur de la catastrophe qu’ils pourraient provoquer. On a vu combien certains Anglais ont vivement regretté le Brexit. Sortir de l’Europe et de l’Euro est peut-être facile, en subir les conséquences économiques et politiques est une affaire autrement plus douloureuse.