Présenté par certains titres de la presse parisienne comme un «catholique disciple de feu le philosophe protestant Paul Ricœur», M. Macron a, en réalité, été élevé dans une famille catholique très tiède et qui le fit éduquer, pour des raisons scolaires et non religieuses, par des jésuites, cet ordre sévère d’origine espagnole fondé en 1534, d’où vient le pape François. C’est dans son collège de la Compagnie de Jésus que l’adolescent demanda lui-même le baptême et le reçut.
Aujourd’hui le nouveau chef de l’Etat français avoue franchement «être revenu depuis quelque temps à un certain agnosticisme». C’est-à-dire qu’il n’est pas «athée» et semble poursuivre plus ou moins la quête spirituelle d’«un absolu qui vous dépasse». La «transcendance» et un peu de «mystère» ne le rebutent pas. Bref, il doute mais, tel feu le président socialiste Mitterrand, il paraît prendre en compte «les forces de l’esprit».
La bonne littératurePlus que la «spiritualité» au sens strict du terme, et malgré un épisode marquant de contact, d’étudiant à maître, avec le huguenot croyant Ricoeur, c’est un attrait pour la littérature de bon aloi qui a, apparemment, surtout façonné la mentalité de M. Macron. Peut-être grâce à l’influence d’une grand-mère érudite aux yeux de laquelle «la culture ne doit pas être un simple vernis social mais une source vive pour l’existence tout entière».
Les goûts littéraires exprimés de M. Macron semblent en tout cas assez éclectiques, le portant notamment vers le poète du XX° siècle René Char, un peu démonétisé en France à présent, tant il a été cité, après sa mort, par des gens à la mode «politiquement corrects»… Cependant M. Macron dit avoir apprécié aussi «les visions de Rimbaud» et également «la diatribe trouée de silence» de Céline, ce romancier antijuif et même antitout, sorte d’anarchiste imprécateur, une plume originale en tous cas, que les intellectuels parisiens aiment lire pour se faire peur et s’indigner…
Parfois, M. Macron cite également feu le penseur Emmanuel Mounier (1905-1950), fondateur de la fameuse revue «Esprit» en 1932 et inventeur du «personnalisme chrétien», courant dynamique qui a notamment nourri la réflexion et l’action de nombre de croyants catholiques libanais et syriens ayant des préoccupations sociales.
Une féministe du XIXe siècleL’Histoire, notamment dans sa ville natale d’Amiens, un peu au nord de Paris, a incontestablement fécondé également l’intellect macronien, autant sinon plus que la Littérature. L’intéressé aime citer en exemple Saint Louis et Jeanne la Pucelle mais aussi la fougueuse féministe «communarde» du XIX° siècle, Louise Michel (1830-1905) qui vint mourir à Marseille, après avoir été envoyée sept ans au bagne français de Nouvelle-Calédonie, en Océanie. Ces choix diversifiés tendraient à prouver que la volonté de rassemblement du président Macron dépasse la simple «politique politicienne» et le sérail socialiste français, où l’élu prit son envol il y a un lustre vers le pouvoir suprême. Comme on dit vulgairement, M. Macron veille à «ratisser large».
Le gallicanismeParmi ses gestes les plus spectaculaires d’ouverture ou de curiosité envers autrui, M. Macron, juste avant son élection à l’Elysée est allé, sous les caméras, visiter sur ses terres, en Vendée, le plus connu des royalistes français de conviction, l’ex-ministre Philippe de Villiers, inventeur de grands spectacles historiques en plein air, inspirés par la France chrétienne et royale, une formule qui avait jadis emporté la pleine adhésion du plus célèbre des dissidents politico-littéraires russes, Alexandre Soljenitsyne, avant, récemment, de conquérir à son tour le président Vladimir Poutine qui a d’ailleurs demandé à M. de Villiers de venir adapter en Russie, pour les Russes, certains épisodes glorieux de l’empire des tsars. A peine élu à la présidence française, M. Macron a invité au château de Versailles, son collègue Poutine, au milieu d’un grand déploiement de peintures épiques et patriotiques.
Sur les racines profondes de la France, Emmanuel Macron a d’ailleurs reconnu de bonne grâce qu’il serait «absurde» de nier leur christianité, ce que n’avait pourtant pas craint de faire le président Chirac et son Premier ministre, Lionel Jospin. Néanmoins, M. Macron a tenu, sur la même lancée à rappeler que «la catholicité française s’est construite dans l’opposition à la Rome des papes». C’est ce qu’on appelle le «gallicanisme», néologisme tiré de «Gaulois». Ne pas compter, donc, sur Emmanuel Macron pour dire que les Gaulois sont une «invention des historiens» du XIX° siècle!…
Lire: Les candidats à confesse. Entretiens avec Samuel Pruvot, rédacteur en chef de Famille chrétienne», éd. du Rocher, Paris, 2017. 110 pages.