Ce qui est sidérant, chez les bigots, c’est leur capacité à inventer sans cesse de faux problèmes. Je ne sais pas si les théologiens de Byzance se sont vraiment cassé la tête à longueur de concile pour calculer combien d’anges pouvaient danser sur la pointe d’une aiguille – c’est le cas qu’on cite toujours pour illustrer la niaiserie des scolastiques – mais nos modernes théologiens ne leur cèdent en rien dans la création à jet continu d’absurdités plus confondantes les unes que les autres.
Le reste du monde s’attache à résoudre de vrais problèmes : le réchauffement climatique, les virus Ebola et Zika, la sécurité alimentaire dans les pays les moins avancés. Nos cyber-bondieusards consacrent leur temps et leur énergie à discuter doctement de questions qui ne semblent concerner que des galaxies très éloignées de la nôtre.
J’en ai eu de nouveau la preuve cette semaine quand un cyber-imam a lancé un pavé dans la mare : a-t-on le droit d’utiliser un verset du Coran comme sonnerie du téléphone portable ? Vertigineuse interrogation ! Soyons clairs : notre imam, que je soupçonne être un bœuf en possession d’un ordinateur, ne remet pas en cause le fait que le Coran se déclenche mécaniquement quand on vous appelle ; au contraire il trouve cela très bien – c’est mieux qu’un déhanchement sonore de Rihanna, si l’on ose dire – mais il se pose une grave, une très grave question. La voici, la voilà, elle arrive, vous êtes prêts ? Boum : quand on décroche le téléphone, on interrompt ipso facto le verset coranique, non ? Et l’imam électronique de rugir : «Alors, bande de mécréants, vous croyez qu’il vous est loisible, misérables vers de terre, d’interrompre cinquante fois par jour le Créateur ? »
Cette affaire est, bien entendu, autrement plus sérieuse que la fonte de la calotte polaire ou la famine qui menace l’Éthiopie. Du coup, Internet s’est enflammé, au risque d’aggraver le réchauffement climatique. Il y a, en gros, deux écoles de pensée (ou plutôt deux m’sid de non-pensée) : les uns abondent dans le sens imamesque : interdit de mettre le Coran sur le tiliphoune ! L’autre bande de pégreleux est plus nuancée : d’accord, on peut coraniser le phone, mais à une condition : on ne décroche qu’après la fin du verset. Ainsi, techniquement, on n’a pas interrompu le texte sacré. Dieu soit loué !
Je vous demanderais bien ce que vous en pensez, vous, lecteur / lectrice fidèle, mais je n’ai pas envie d’interrompre les rires ou les sanglots qui vous secouent devant tant de fadaises. On en est là...