Civisme, contrôle, rigueur, sanctions… Pour la sérénité des Bidaouis

Famille Naamane

ChroniqueUn fichier PDF circule dans les réseaux sociaux, «Le livre noir de la ville blanche», par le groupe «Save Casablanca», créé sur Facebook par Mouna Hachim, regroupant des Bidaouis qui aiment leur ville et qui rêvent d’y vivre paisiblement.

Le 07/05/2021 à 12h00

Depuis 2013, la page Facebook est alimentée par des photos et des messages des dysfonctionnements dans tous les domaines. Un état des lieux des maux dont souffre Casablanca

Mouna Hachim a pris l’initiative de rassembler cette matière pour sensibiliser l’opinion publique, les médias et les pouvoirs publics. Un diagnostic de 258 pages qui devrait servir de base à un plan d’action d’urgence pour rendre à Casa ses lettres de noblesse. 

Ceci dit, il faut reconnaître qu’il y a eu des améliorations au niveau des infrastructures. Je citerais la promenade maritime de la Mosquée Hassan II, 13 hectares étalée sur 1,5 km en bordure d’océan, de la mosquée à la pointe d’El Hank. Une aubaine pour les familles avoisinantes: espaces ombragés, aires de jeux pour enfants, espaces et équipements sportifs, parcours pour joggeurs et promeneurs, piste cyclable, espaces de repos, points de rencontre. Une fierté! La promenade surplombe Mriziga, une plage inscrite dans la mémoire collective. Mriziga est la déformation de mer des égouts : les canaux des égouts qui se déversaient au large de l’océan passaient par là. Ce lieu était très apprécié par les populations avoisinantes et représentait un lieu de loisirs privilégié.

J’ai donc été découvrir ce site, un après-midi de ramadan. La vue sur l’océan est une merveille, agrémentée par la majestueuse mosquée, qui y trône telle une perle rare. Le lieu est très agréable et les équipements sont diversifiés et de haute qualité. Il n’y manquait qu’un élément indispensable à la quiétude des citoyens : le civisme et le contrôle!

J’y ai passé une heure où j’ai dû marcher en zigzagant pour éviter les vélos et les motos qui circulent librement à toute vitesse dans l’espace réservé aux piétons. La piste cyclable est occupée par les sportifs: pompes, étirements, détente, sans gêne! Alors que sur le sol sont collés des images de vélo.

Je dois faire attention à des jeunes en patins à roulettes ou skateboard qui pensent que la promenade a été faites pour eux seuls. Quelques chiens non tenus en laisse. Impossible d’admirer le paysage ou de relaxer sans risquer de se faire rentrer dedans. Pas de détente, au contraire, des contrariétés.

J’ai cherché désespérément un gardien pour lui faire la remarque et savoir où sont passés les sièges des balançoires. Au bout de 30 minutes, je vois arriver une estafette avec 3 policiers. Je les arrête et leur fais part de mon mécontentement pour cette pagaille. Très courtois, ils m’informent qu’ils passent la journée à chasser les motards et les cyclistes, mais dès qu’ils ont le dos tourné, ils reviennent. Ils sont certes dépassés. Mais un tel espace doit avoir un règlement clairement visible sur des pancartes et des caméras de surveillance. Des agents doivent être mobilisés pour faire respecter la discipline et éduquer la population au civisme. Des pénalités doivent être imposées aux indisciplinés avec retrait des motos et des vélos. Cette promenade est un joyau et devrait le rester.

Par ailleurs, le seul lieu sécurisé pour que les piétons accèdent à la promenade est celui de la fin du boulevard Zerktouni. Plusieurs rues où traversent les familles manquent de feu rouge. Les voitures arrivent à toute vitesse, sans respecter les piétons. A ces endroits, de nombreux dos d’âne, bien surélevés, doivent être érigés. Je repars frustrée!

Le lendemain, j’ai été marcher dans un des rares parcs de Casa: l’Hermitage. Dans mes souvenirs d’enfance, c’était un paradis. Négligé pendant de longues années, il était devenu un lieu de désolation. Restauré avec 30 millions de DH, il a réouvert en 2011. Un bijou. Plus de 14 hectares où la population de Derb Sultan et Koréa, démunie, à forte densité, sans aucun loisir, vient s’oxygéner. J’ai été traumatisée face à la détérioration du site : nous sommes au printemps, pas une fleur, que de la terre rouge. Une verdure délavée, assoiffée. Tout est désolation et reflète la négligence. De nombreux chiens errants seuls ou en meutes. Pas un agent à qui s’adresser.

A côté du parc, un très bel édifice, un centre culturel, immense espace qui a rayonné pendant des années par ses diverses activités pour adultes. Il recevait les enfants de Derb Sultan et Korea, pour des activités multiples, les protégeant de l’oisiveté, mère de tous les maux. Il y a bien plus de 10 ans, le directeur a été rappelé à Rabat, le centre a fermé. Malgré toutes mes tentatives de sensibiliser les ministres de la culture qui se sont succédés, le centre est fermé et se détériore. Inadmissible!

Le lien entre «Le livre noir de la ville blanche», la promenade, le parc et le centre culturel? La gestion, la maintenance, l’entretien, la continuité, le contrôle, le suivi, l’évaluation… Des millions de dirhams dépensés pour le bien-être du contribuable, mais le facteur humain fait défaut. D’un côté le manque de civisme de la population, d’un autre l’incapacité des pouvoirs publics à assurer la continuité, la pérennité en formant du personnel adéquat et en exerçant un contrôle permanent.

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 07/05/2021 à 12h00