Cher et précieux smartphone, comment faisait-on pour communiquer sans toi?

Famille Naamane

ChroniqueQuelle chance nous avons de recevoir et de transmettre des messages de façon instantanée! Comment faisait-on pour communiquer sans ces moyens modernes qui rapprochent les continents, les pays, les villes et les personnes?

Le 22/04/2022 à 12h02

Une grande partie des Marocains contemporains ont vécu des années sans smartphone, ni Internet. Seul le téléphone fixe était accessible aux foyers. Et encore, il fallait attendre des années ou se faire pistonner.

Les êtres humains ont toujours essayé de rapprocher les distances qui les séparaient. La voix a été un moyen de communication, utilisant l’écho: crier du sommet de la montagne pour envoyer un message.

Il y avait des messages codés avec des signaux lumineux, de montagne en montagne: bougies, lanternes, torches… Ou des signaux de fumée, comme chez les Indiens d’Amérique. En Afrique et en Amérique du sud, on utilisait les tambours et les tamtams.

Le développement de l'électricité va donner le télégraphe électrique et la ligne télégraphique de Morse (1838) qui transmet un texte à l'aide d’une série d'impulsions qui correspondent à un alphabet.

La télécommunication s’est développée en Occident pour des besoins militaires et lors des guerres. Détenir et échanger l’information est aussi important que l’armement.

A partir des années 1800, le Maroc était lié à l’Europe par des câbles télégraphiques sous-marins, avant le télégraphe sans fil en 1907.

En 1876, un miracle: le téléphone. Communiquer non plus par des signaux ou des codes mais par la voix. Le téléphone arrive au Maroc, à Tanger, en 1883. On l’appelait sèlke (fil).

Au Maroc, jusqu’aux années 80, peu de familles avaient le téléphone fixe. Elles utilisaient le téléphone des voisins et surtout de l’épicier du coin, pour appeler et recevoir des appels. Sinon, il fallait aller dans les bureaux de la Poste. En 1992, il y a eu les téléboutiques, en voie de disparition.

Le coût de la télécommunication interurbaine et surtout internationale était très élevé.

Mais la grande révolution a été le portable, inventé en 1973 par l’ingénieur américain Cooper. Incroyable: communiquer sans fil, à partir de n’importe quel lieu! Mais l’appareil était grand, lourd et très cher. 

A partir des années 90, le portable devient populaire: il est plus petit, moins cher et de plus en plus performant avec de nouveaux moyens de communiquer par écrit, en texto. Apparaît ensuite Internet et des applications qui ont changé les modes de communication, impactant également les relations humaines et les habitudes.

Internet, un autre miracle, né en 1966, sera destiné au grand public en 1991. On arrive au smartphone. Fantastique: on communique gratuitement à travers la planète et ce, même pour les analphabètes qui utilisent les enregistrements audios.

Mais comment faisions-nous avant pour communiquer?

Au Maroc, les messages officiels étaient transmis par l’Etat via le barrahe (crieur) qui hurlait dans les souks hebdomadaires, les douars, les mosquées et les lieux publics.

Les messages tardaient à arriver quand il n’y avait pas de véhicule. Les gens confiaient leurs messages à des voyageurs qui se déplaçaient à cheval, à dos de mulet ou d'âne. On utilisait la formule chi igoulha lchi; jaye igoulha lal ghadi wa lghadi igoulha ljaye, bref, le téléphone arabe (le bouche à oreille).

Le courrier ou les colis pouvaient être confiés à des convois de plusieurs voyageurs. Il fallait qu’ils soient accompagnés d’un zettate, un guide armé pour les protéger contre qatta’ine triqe (brigands) ou négocier avec eux pour payer le passage. D’où l’expression tayzattate rassou (efficace).

Il y avait al âttar, le colporteur, qui allait sur son âne de douar en douar pour vendre divers articles et transmettre des messages oraux ou rarement écrits, destinés à être lus par le fquih du village, le seul lettré.

Vers le milieu du dix-neuvième siècle, fut créé un courrier postal, utilisant des facteurs à cheval ou… les rakkas.

Les rakkas: des hommes robustes, capables de faire jusqu’à 80 km par jour, à pied, en courant! Ils devaient savoir nager pour traverser des rivières, pouvoir se défendre contre les voleurs et les animaux sauvages. Les lions et les panthères ont existé au Maroc jusqu’au milieu du vingtième siècle.

L’Office des postes, télégraphes et télécommunications a utilisé les rakkas jusqu’à la première moitié du vingtième siècle. Ensuite, le courrier sera acheminé par train et par fourgon.

Les cars ont servi de relai pour la population: le grissoune (graisseur, assistant du chauffeur) recevait des messages dans une ville, qu’il transmettait dans d’autres lieux. Les habitants attendaient l’arrivée du car pour donner ou recevoir des nouvelles de la famille. On donnait au grissoune des colis et de l’argent à remettre à leurs destinataires. Dire qu’aujourd’hui l’argent arrive aussitôt à partir d’un smartphone!

Imaginez comment on faisait pour inviter à un mariage, sans téléphone. Chaque famille avait une femme attitrée qui connaissait les maisons des membres de la famille et des amis. Elle se faisait belle, se décorait les mains et les pieds aux henné, et, un bouquet de menthe à la main, elle passait de maison en maison pour transmettre l’invitation oralement. Chaque foyer lui offrait labyade ou lahlawa, de l’argent ou autre cadeau pour la dédommager.

Aujourd’hui, on peut envoyer des centaines d’invitation en quelques minutes!

Communiquer devient gratuit et nous pouvons même nous regarder en parlant.

Et l’évolution s’est accélérée grâce au Covid: nous travaillons, nous nous réunissons, nous négocions, nous enseignons, nous consommons… à distance.

Il y a 30 ans à peine, nous ne voyions cela que dans les films futuristes! 

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 22/04/2022 à 12h02

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Bonsoir Madame Soumaya Naamane Guessous. L'informatique s'est définitivement installée dans toutes les activités humaines. Elle est devenue un instrument puissant de pouvoir et de connaissance. Personne n'hésiterait à désigner la cause de cette révolution: le portable, un ordinateur de poche. Il nous a rapidement conquis par son prix, sa facilité d'utilisation et ses services (messagerie instantanée, visiophonie, caméra, internet,...). Par contre, il faut être conscient que grâce à un cheval de troie (une application d'apparence inoffensive qui contient un logiciel malveillant), on peut y faire intrusion, disposer de l'ensemble des données, suivre toutes les utilisations et aussi le tracer grâce aux satellites et aux relais terrestres, ... Une médaille a toujours deux côtés! Cordialement.

Bsr professeure.Certes,le smartphone a rendu des services indéniables aux utilisateurs de plus en plus nombreux de par le monde,cependant les apprenants qui ne savent pas encore se servir à bon escient du cellulaire acquièrent à l'école de moins en moins de savoirs qui leur sont très utiles.Beaucoup se focalisent sur les jeux,le chat,le n'importe quoi...Or il faut qu'ils apprennent à tirer profit de ce joli bidule.Quelques uns s'achètent les derniers téléphones juste pour se pavaner et en mettre plein la vue à autrui.A propos de communcation,les moyens pour l'assurer sont là,mais où est-elle?Tout le monde se plaint car les correspondants sont généralement injoignables ou ils se contentent de s'envoyer des messages transférés plusieurs fois par X.Merci à vous et au 360.ma.عواشر مبروكة.

Merci pour l'information concernant le silbo. J'ai fait une recherche et j'ai en effet découvert ce langage codé. Quant à "Reconnaissant", je vous rends un hommage très sincère à vous et à tous les ruraux et les rurales qui ont réussi à obtenir des diplômes malgré les conditions pénibles dans lesquelles ils vivaient. Des conditions en nette amélioration mais qui ne satisfont pas encore toute la population rurale. j'ai passé la journée dans le Doukkala, si proche de Casablanca. Et là aussi il y a des élèves qui font plus de 8 km par jour pour rejoindre leurs établissements. Dans les zones montagneuses, c'est pire. très bonne fin de ramadan et merci pour vos commentaire.

au sujet du fqeh lecteur de message ,seul qui a appris le coran, c'est une affirmation qui témoigne que l'ouverture des écoles publiques ,inexistantes a été l'oeuvre du protectorat français, et dans une école publique dans un village de zerhoune que j'ai eu le certificat d'études primaires et j'ai réussi au concours de bourse pour être admis au collège sans internat,l'aller retour de 7 km chaque jour,jusqu'au brevet pour ensuite regagner le lycée My Ismail meknès,enseignants et direction,tous français avec une discipline parfaite ,internat propre!bac en poche ,les études supérieures scientifiques ,puis enseignant sup, pour ceux qui veulent supprimer la langue française,je dis avec fierté mon admiration et ma reconnaissance à tous mes enseignants français pour leur travail

En complément de votre excellent article il existe encore dans les îles Canaries le silbo ou langage sifflé notamment dans la petite île de La Gomera ( silbo gomero). Faisant partie du patrimoine culturel ancestral le silbo est enseigne dans les écoles

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