Le sale gosse est parti…

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ChroniqueJe joins ma voix à celle de tant de fans et amis algériens, marocains, français: Rachid Taha, merci pour ces moments.

Le 15/09/2018 à 16h53

Beaucoup de gens de tous les bords pleurent sincèrement la mort de Rachid Taha. On a l’impression que chacun a une histoire, une anecdote, un souvenir, quelque chose de personnel qui le lie au chanteur algérien. 

Taha a été un ambassadeur pour le raï et la culture du chaabi algérien et marocain, voire aussi celui des mélopées orientales (il a osé reprendre Farid Al Atrache, c’est dire), qu’il a fait aimer aux «autres». Il a aussi été ambassadeur pour le rock et pour les artéfacts de la culture des autres (le côté bad boy, l’attitude, les excès en tous genres), qu’il a fait aimer aux «nôtres».

Passeur pour les uns et les autres, facilitateur, vulgarisateur. Brother Rachid a été tout cela. Il représente tant de choses.

Oui, il n’était qu’un musicien de rock et de chaabi mais, à sa manière, il représentait l’espoir que les «autres» et les «nôtres» pourraient bien finir par se réconcilier et s’aimer, un jour. En gardant chacun son indépendance et sa différence.

La musique de brother Rachid a permis cela. Sa musique et sa façon de faire. Elles ont réussi des miracles. Au point que beaucoup ont la sensation très douloureuse d’avoir perdu un frère.

Nous parlons peut-être du meilleur artiste maghrébin de ces trente et quelques dernières années. Meilleur, pas seulement par les chiffres de vente de disques ou les cachets. Mais par le talent et le cœur.

Ce garçon a réussi à voir ce lien, que l’on ne voyait pas, entre Dahmane El Harrach, un des pionniers du chaabi algérien, et Joe Strummer, punk et écorché vif des faubourgs londoniens. Il a électrisé le premier et arabisé le deuxième. Il a rendu justice aux deux à la fois et les a même magnifiés.

Rachid Taha n’était pourtant pas ce qu’on peut appeler un grand chanteur. Pas dans le sens classique du terme. Il n’était pas dans ces standards et ces normes. Sa voix parfois le lâchait. Mais il a appliqué à merveille la devise des punks quand ils ont débarqué dans les années 1970: tu ne sais pas très bien jouer, très bien chanter? Peu importe, si tu as quelque chose à faire passer, et de l’énergie surtout, prend une guitare, un micro, joue, chante!

Bien sûr, tous ceux qui ont approché la «bête» savent combien Rachid pouvait être monstrueux. Dans tous les sens du terme. Il était dans l’excès et il brûlait sa vie par les deux bouts. Cette folie, ce grain, qui faisaient craindre le pire aux organisateurs de concert et aux gardiens de la bienséance, tout cela finalement ce n’était que du rock n'roll, comme dit la chanson. Que du fun!

Je joins ma voix à celle de tant de fans et amis algériens, marocains, français: Rachid Taha, merci pour ces moments. Et n’oublie pas, là où tu es désormais, de continuer d’électriser et d’arabiser les «autres» et les «nôtres» qui se présenteront sur ton chemin.

Par Karim Boukhari
Le 15/09/2018 à 16h53