C’est une alerte de mon téléphone qui m’a réveillé, ça a fait bip, alors j’ai ouvert un demi-œil et j’ai lu: attaque terroriste en Nouvelle-Zélande. What?
J’ai réagi comme la moitié de la terre a du le faire ce matin-là, en marmonnant quelque chose comme: «Encore un fou d’Allah!». Eh bien non, cette fois c’est celui d’en face, un fou blanc si j’ose dire, qui a décidé d’exterminer les fidèles d’Allah, en les tirant comme des lapins, hommes et femmes et enfants, le tout à l’intérieur d’une mosquée, et un vendredi, le jour béni de tous les musulmans!
Et en Nouvelle-Zélande!
Le malade (je sais qu’ils sont plusieurs, mais c’est le même «esprit» qui les guide) qui a perpétré cette abomination a tout filmé et surtout tout expliqué. Avec des images et des mots, on donne du sens, on crée un souvenir impérissable, et surtout on partage. Donc on recrute. On fait des émules, on passe le relais à d’autres fous qui n’attendent que le déclic pour passer à l’acte. Et puis on crée aussi des liens et des connexions avec d’autres histoires. On construit un récit.
Le récit dans lequel plonge les terroristes de Nouvelle-Zélande s’appelle le grand remplacement. C’est une théorie. Contrairement à ce qu’on raconte aujourd’hui, cette théorie n’est pas née avec le triste Renaud Camus (son livre « Le grand remplacement» et plus encore «Décivilisation» comptent parmi les choses les plus tristes et désolantes, atterrantes, que l’on puisse écrire ou lire, ou même penser). Elle n’est pas le propre de l’Europe ou de la France. Elle est plus ancienne que cela, elle a traversé plusieurs siècles, plusieurs continents.
Le Ku Klux Klan, par exemple, la brandissait déjà dans le XIXème siècle pour brûler les noirs (il faut voir le nouveau film de Spike Lee, «Blackkklansman», qui raconte très bien cette sale histoire). Même le nazisme l’a reprise à sa manière, en lui donnant une couleur aryenne.
La théorie du grand remplacement est l’héritière de l’esprit des Croisades, dans le Moyen Age, et peut-être plus loin encore. Le «grand remplacement» n’est qu’une jolie expression venue maquiller un sentiment qui a du naitre le jour où l’humanité a découvert que tous n’ont pas la même religion, la même couleur de peau, les mêmes codes, mais qu’ils sont appelés, peut-être malgré eux, à se mélanger les uns aux autres et à vivre ensemble.
Race pure, suprématie raciale ou religieuse, voire génétique et civilisationnelle.
Et peur que l’autre, la race inférieure, l’attardé culturel, le basané, le barbare, prenne la place de cette race supérieure. Déjà qu’il menace sa pureté en vivant sur ses terres, en se mélangeant à ses femmes et à ses hommes, et en procréant plus que la moyenne…
C’est du grand n’importe quoi. Une folie. Une monstruosité. C’est du délire surtout. Les psychiatres vous le diront: le grand remplacement est une construction mentale, une projection paranoïaque qui surgit pour compenser une situation d’échec personnel ou masquer une profonde dépression.
Houellebecq a traqué ce sentiment dans «Soumission», un roman glaçant que le «fou blanc» que j’évoquais tout à l’heure a peut-être lu au premier degré. Le fou blanc a peur pour son identité et son patrimoine génétique. Il doit réagir, faire quelque chose, haïr, lutter, et peut-être tuer pour mettre un terme à ce «multiculturalisme» qui menace de l’effacer et de le remplacer…
Cette réalité-là, qui existe (même en cette terre lointaine et heureuse qu’est la Nouvelle-Zélande!) et qui se propage comme un feu de forêt, repose sur une immense arnaque intellectuelle. Une foutaise.
Le fou blanc est à l’Occident ce que le terroriste jihadiste est à l’Orient. Des «tarés» qui veulent nous réveiller très tôt le matin avec des alertes porteuses de mauvaises nouvelles.