L’Espagne, une nouvelle transition

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ChroniqueLes élections législatives de dimanche prochain mèneront l'Espagne vers une ère politique nouvelle. Les majorités parlementaires produisant des gouvernements forts ne seront plus possibles. L’épuisement de la politique traditionnelle se perçoit avec l’émergence des partis concurrents.

Le 17/12/2015 à 12h02

Le PP, au pouvoir depuis 2011, centre sa campagne autour de Mariano Rajoy, l’actuel chef de gouvernement. Il puise ainsi sa force dans ce que ses adversaires considèrent comme son point faible. Devant la jeunesse des candidats du PSOE (1972), Podemos (1978) et Ciudadanos (1979), le PP offre à ses électeurs des personnes d’un âge mur. Avec ses trente ans d’expérience politique et de gestion, Rajoy (1955) propose une image rassurante.

Bien qu’il ait rajeuni les structures du PSOE, Pedro Sánchez ne trouve pas la place qui correspond au candidat d´un parti ayant marqué l´histoire politique de l’Espagne. Ses dernières cartouches ont été déchargées le lundi 14, lors d’un débat télévisé avec Rajoy. Il a profité du contexte pour casser le paradoxe de vouloir le changement et préserver l’attachement au bipartisme. Sa radicalisation soudaine a transformé le débat en une mise en scène de l’éviscération du système. L’immaculé candidat socialiste a gagné le dernier débat d’une ère moribonde.

Le PP, et de manière plus criante le PSOE, ont des difficultés réelles pour convaincre leurs électeurs traditionnels. Leurs discours ont été engloutis par le savoir-faire politique de Podemos et Ciudadanos, les deux partis émergents. L’action de ces derniers est nourrie par une fracture sociale avérée, provoquée par la crise économique, les politiques d´austérité, la corruption presque structurelle et l’indépendantisme catalan.

Selon une enquête réalisée par l’ESS, ces partis émergents ont remobilisé la vie politique en Espagne. Alors que le PP et le PSOE à eux seuls représentaient 84 % des voix aux élections législatives de 2008 et 73 % en 2011, aujourd’hui ils pèsent moins de la moitié des suffrages.

Exploitant le déracinement des formations traditionnelles, Podemos et Ciudadanos ont mené la campagne électorale, imposant leur présence et style incontournables. Albert Rivera et Pablo Iglesias, leurs jeunes leaders, ont pris l’avantage sur leurs adversaires dans la relation avec une rue indécise. Cette même population a rendu possible leur percée fulgurante aux dernières élections municipales et européennes, en les catapultant au parlement européen et à la gestion municipale. Podemos contrôle aujourd’hui Madrid et Barcelone.

Les partis émergents ont produit un discours et des initiatives électorales nouvelles, en plus d’une forte présence dans le milieu des jeunes et des déçus. Les deux débats rassemblant Albert Rivera et Pablo Iglesias qui ont fait mouche ont été organisés dans une université et dans un bar. Ce dernier débat a été diffusé par une chaine de télévision nationale.Malgré le bouleversement des règles régissant la politique en Espagne, les prévisions pronostiquent une victoire minime du parti de Mariano Rajoy. La grande fragmentation du parlement conduira à des alliances qui feront souffrir le PP, dont l’énergie va se dépenser dans la gestion d’un difficile agenda politique intérieur.

Par El Arbi El Harti
Le 17/12/2015 à 12h02