Dans la série ‘Il y a des braves gens partout’, l’anecdote suivante mérite une mention spéciale. Soit un homme, un Marocain, votre serviteur pour tout dire, qui a envie d’aller passer deux semaines sur la Côte d’Azur en ce beau mois de juillet. Soit son frère, résidant à Cannes, qui s’offre à lui trouver un appartement tranquille dans quoi se reposer, rêvasser, lire beaucoup, peut-être écrire. Soit une dame qui ne connaît ni l’un ni l’autre des deux frères mais qui a mis son appartement cannois en location. Ce sont donc là les données du problème. Voyons comment tout cela va s’arranger.
Le frère local, si je puis dire, prend rendez-vous avec la dame. Il visite l’appartement : il est parfait. Et il est bien meublé, il y a ce qu’il faut dans la cuisine, un poste de télévision dans le salon, et même un ordinateur. Le hic, dit-il, c’est que je ne sais pas exactement combien de jours mon frère va occuper votre appart’. «Qu’à cela ne tienne, dit la dame en tendant les clés au visiteur, il me laissera un chèque correspondant à la durée de la location. Il n’aura qu’à le laisser là.» Et elle désigne une table basse dans un coin du salon.
Dix minutes plus tard, mon serviable frère est de nouveau dans la rue, faisant sauter dans la paume de sa main le trousseau de clés, fronçant le sourcil, abasourdi. Il y a en effet de quoi s’étonner.
Résumons : voici une dame, Française de souche, comme on dit, qui rencontre un jeune Marocain qu’elle ne connaît ni d’Eve ni de sidna Adam. Après moins de dix minutes de conversation, elle lui remet les clés de son appartement. Elle ne demande ni caution ni photocopie de la carte d’identité (légalisée à la mouqata’a de Cannes). En fait, elle ne lui demande rien du tout. Et pour le paiement du loyer, elle fait tellement confiance à un autre Marocain qu’elle n’a jamais vu (moi), qu’elle lui demande de calculer lui-même le montant du loyer et de laisser en partant un chèque sur la table basse. Et tout cela se passe dans une région où le Front National mène la danse…
J’entends les cyniques dire : "je ne crois pas un mot de cette histoire.". Eh bien, allez boire l’eau de la Méditerranée, bande de cyniques: cette histoire est vraie jusque dans les détails (je vous enverrai une photo de la table basse avec mon chèque posé dessus).
J’entends les niais couiner : "et alors, c’est normal, etc.". Non, bande de niais, ce n’est pas normal. C’est même sidérant, en 2015, dans ce monde dur, méfiant et méchant qui est le nôtre. Il faut savoir apprécier ce genre d’histoire et la reconnaître pour ce qu’elle est : un miracle.