Tsunami

Karim Boukhari.

Karim Boukhari.. Le360

ChroniqueVous avez certainement vu passer, quelque part, cette annonce: «Tsunami au Maroc». Peut-être avec un point d’interrogation à la fin. Et peut-être pas.

Le 27/07/2024 à 09h01

La rumeur s’est propagée comme un feu de forêt. Impossible d’y échapper. Vous avez beau l’éviter ou la dribbler sur les réseaux sociaux, elle vous rattrape via un journal online ou un site. Et si le journal vous rate à son tour, c’est un voisin ou un ami quelconque qui vous «atteint».

C’est comme cela que j’ai fini par être rattrapé par la patrouille.

La première personne m’a parlé d’un tsunami à El Jadida, en ajoutant : «Il arrive, il arrive!». Elle l’a lu sur le journal. Quel journal? Aucune idée. «Peut-être sur Internet, alors». Et peut-être pas.

La deuxième personne m’a parlé d’un tsunami entre Azemmour et Safi. Je suis convaincu qu’elle a de la famille dans ces deux charmantes cités de l’Atlantique.

La troisième personne m’a dit: «J’ai publié un texte sur le sujet!». Dans quels journal ou revue scientifique? Rien, aucun, elle a «publié» sur les réseaux sociaux. Selon cette charmante personne, les signes avant-coureurs (du tsunami) ont été constatés. Par qui? «Par les gens d’El Jadida». Quelles gens, quels signes avant-coureurs? «Des estivants et des gens qui connaissent l’histoire de la ville. Ils ont vu la mer reculer, les oiseaux disparaître et de grosses vagues monter dans le ciel».

Pour appuyer son propos, mon interlocuteur précise: «C’est déjà arrivé en 1755!». En effet. Mais…

En 1755, donc, un violent séisme avait frappé le Portugal, ses ondes ont été ressenties jusqu’aux côtes marocaines. Mais aucun estivant d’El Jadida ni d’ailleurs n’a vécu ces événements vieux de plus de deux siècles. Personne, en dehors des spécialistes, ne connaît, de visu, ces fameux signes avant-coureurs.

Tout cela pour vous dire que si la rumeur du tsunami est (Dieu merci) «fake», c’est-à-dire infondée, elle dit forcément pas mal de choses de nous. Comme pour le feu de forêt évoqué plus haut, la première question qui vient à l’esprit est: «Qui a allumé le feu et comment s’est-il propagé?».

Notre feu a été essentiellement allumé par le mélange «réseaux sociaux + téléphone arabe». Quelqu’un tient de quelqu’un qui a lu quelque chose et qui croit savoir que…

Et comme la peur se propage encore plus vite qu’un feu de forêt…

À côté, les algorithmes et les bulles de filtres ont eu leur mot à dire. Ils ont fait croire à chacun qu’il était dans le creux de la vague. Et que le tsunami n’attendait que l’occasion de le noyer…

La personne numéro 3, par exemple, n’a pas arrêté de me répéter: «Tout Internet ne parle que de ça!». C’est ce qu’elle croit. Parce que l’algorithme, ce Big Brother qui observe nos faits et gestes sur le Net, n’a pas cessé de lui envoyer des nouvelles du tsunami.

Ces mêmes algorithmes auraient pu faire croire à notre ami que le tsunami frapperait Marrakech. Pourquoi ne les croirait-il pas?

Par Karim Boukhari
Le 27/07/2024 à 09h01