Sa Majesté le Roi l’a dit: «la volonté de Dieu est imparable», et sa volonté était que le petit Rayan quitte cette terre, à ce moment-là, dans ces conditions-là!
Beaucoup cherchent un sens à leur vie, à la vie… Celle de ce petit bonhomme –si courte ait-elle été– en revêt un sacré!
Musulmans, Juifs, Chrétiens, croyants ou non croyants se rejoignent ici pour voir à quel point la ‘«mission» d’une vie –celle de Rayan– nous aura tous transcendés.
Ce petit bonhomme a vécu 5 années, celles d’un petit Marocain d’un douar comme il en existe tant chez nous: avec ses joies, ses peines, ses jeux, ses pleurs, ses bagarres, ses découvertes… Tout cela a pris fin, en une journée de février, au fond d’un puit.
Un drame terrible, pour lui, pour ses parents, pour tous… Oui, bien sûr je lis ici et là qu’il existe beaucoup de «petits Rayan» –c’est juste, ils sont nombreux chez nous, pays loin de l’opulence, et ils sont légion de par le monde, quelle que soit le classement du pays dans l’ordre des richesses.
Cela n’est certes pas une justification, et nous avons bien des efforts, bien des progrès à faire en matière de conditions de vie de nos enfants, de nos jeunes. Qui parmi nous n’est-il pas passé près d’un enfant dormant dans la rue et a détourné le regard, qui ne sait pas que dans des régions montagneuses enclavées, des petits marchent pieds nus dans la neige, sur le chemin de l’école?
Pour autant évitons en cette occasion de tomber dans les pièges que sont le misérabilisme, le voyeurisme, le populisme… Avatars auxquels certains n’ont pas su se soustraire d’ailleurs en cette douloureuse circonstance.
Elevons un peu nos esprits, soyons à la hauteur de la dignité des parents de Rayan, admirables!
Qui de nous pourra oublier cette vision de la maman et du papa du petit martyr, traversant une haie de sauveteurs, pompiers, gendarmes… Dignes, si dignes.
Ils nous ont donné une leçon, loin de toute arrogance –que tant d’influenceurs et autres youtubeuses nous jettent à la face, à longueur de réseaux sociaux.
Mais la plus grande leçon –et le mot leçon n’est d’ailleurs pas le bon– nous l’avons reçue de Rayan: en l’occurrence c’est selon moi d’une conscience que nous devrions parler ici.
Nous nous croyions divisés, nous nous sommes révélés unis, nous nous pensions égoïstes, nous nous sommes montrés solidaires, nous nous sentions inoxydables… Et nous avons pleuré!
Ce petit homme de cinq ans a réussi l’incroyable: en perdant la vie il a gagné l’immortalité, qui d’entre nous pourra l’oublier?
Il restera pour toujours dans un «coin de notre mémoire», un coin de notre conscience, venant nous rappeler à nos devoirs, ceux que nous oublions si souvent: l’empathie, la solidarité, le respect, l’émotion, l’amour d’autrui…
Petit Rayan tu as été courageux, tu as rejoint le Créateur, mais tu nous laisses nous, sur cette terre, plus forts, plus lucides, plus attentifs à l’Autre… Oh sans doute pas tous, nous en avons vu des vautours survoler la zone de ton calvaire: qui créant de fausses cagnottes, qui vendant des T-shirts à ton effigie, qui inventant des fake news, pour faire de l’argent, pour faire du buzz…
Mais ceux-là ne sont que l’écume, l’immense majorité d’entre nous a été au rendez-vous de l’Humanité! C’est cela, Rayan: tu nous as rendu notre humanité, tu nous as rendu à l’Humanité.
Notre pays que certains –à l’intérieur ou à l’extérieur de nos frontières– aiment tant dénigrer, humilier, rabaisser s’est montré exemplaire: nous avons déplacé une montagne pour l’un de nos enfants, nos secouristes –tous corps confondus– ont été remarquables de savoir-faire, de maîtrise, d’endurance, notre peuple tout entier–toutes confessions confondues– s’est uni dans la prière. Et plus que tout, chacun de nous a redécouvert le sens de l’appartenance à une Nation, notre Nation, loin de tout esprit sectaire et dans la réalité de notre identité: notre Tamaghrabite!
Le Maroc –Roi et peuple confondus– a montré sa grandeur, sans arrogance, sans forfanterie, dans la nudité de sa simplicité!
Rayan a ému le monde, quant à nous, nous avons su faire l’admiration d’une multitude de pays, toutes les télévisions avaient les yeux fixés sur notre pays: Sa Sainteté le Pape, le métro londonien, Ronaldo… nous ont exprimé leur compassion –ils sont des symboles– et plus encore, les peuples de tant et tant de pays ont communié avec nous: la force des sentiments a vaincu les égoïsmes, les intérêts divergents, les rancœurs.
Petit Rayan, repose en paix, nous ne t’oublierons pas, tu es un «sacré bonhomme»!
* Militant associatif et membre actif de la société civile marocaine, Ahmed Ghayet est le président de l'association Marocains Pluriels.